INTRODUCTION | ||||||
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Les copépodes se développent dans tous les milieux aquatiques, du plus grand des océans au plus petit des étangs. On peut même en découvrir dans les étendus d'eau transitoires se formant à la suite de fortes pluies, dans des mousses ou dans des détritus végétaux humides. A raison de plusieurs individus par litre d'eau et compte tenu des énormes volumes mis en jeux, ce sont les organismes pluricellulaires les plus abondant de la planète. |
Les copépodes sont l'une des principales composantes du zooplancton. Ils représentent rarement moins de 60 % et parfois plus de 80 % de la biomasse zooplanctonique. On trouve également des copépodes vivant sur le fond ou à l'intérieur même des sédiments. On parle alors de copépodes benthiques que l'on oppose aux copépodes pélagiques du zooplancton. Enfin, il existe des espèces parasites d'animaux. Dans ce dernier cas, leur corps a souvent subi d'importantes modifications, au point que seule la larve permet de reconnaître le parasite comme un copépode. |
TAXONOMIE | ||
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Les copépodes appartiennent au groupe des crustacés qui constitue lui-même une subdivision de l'embranchement (ou phylum) des arthropodes. Il s'agit de crustacés primitifs et ils étaient à ce titre autrefois classés parmi les entomostracés que l'on opposait aux malacostracés, plus évolués. La distinction entre entomostracés et malacostracés n'est toutefois plus utilisée de nos jours. |
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Parmi ces 9 ordres, 2 sont principalement (mais pas exclusivement) constitués d'espèces parasites ou commensales. Il s'agit des monstrilloides et des siphonostomatoides. Les 7 autres ordres sont au contraire constitués principalement d'espèces libres. Ce sont les mormonilloides, les harpacticoides, les cyclopoides, les gelyelloides, les misophrioides, les calanoides et les platycopioides. Avec plusieurs milliers d'espèces connues, les harpacticoides (54 familles), les cyclopoides (90 familles) et les calanoides (41 familles) sont les groupes de copépodes les mieux représentés. En comparaison, les mormonilloides (1 famille), les gelyelloides (1 famille), les misophrioides (3 familles) et les platycopioides (1 famille) ne comptent respectivement que 2, 2, 34 et 11 espèces connues. |
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Chaque segment du céphalothorax porte une paire d'appendices. Le premier segment porte les antennules. Souvent qualifié à tort d'antennes dans le language courant, les antennules sont généralement longues alors que les vrais antennes viennent en seconde position et sont communément plus courtes. Antennules et antennes jouent un rôle sensoriel mais aussi locomoteur ou préhenseur dans de nombreux cas. Toujours au niveau du céphalosome, on trouve ensuite 4 paires d'appendices entourant la bouche et impliqués dans la capture de la nourriture : les mandibules, les maxillules, les maxilles et les maxillipèdes. Les segments thoraciques portent quant à eux chacun une paire de pattes. Généralement biramées, c'est à dire en forme de Y, ces pattes participent à la locomotion. La cinquième et dernière paire de patte se distingue des autres car elle est souvent modifiée en organe de copulation. Sa morphologie est différente selon le sexe considéré : souvent régressée chez la femelle et hypertrophiée chez le mâle. Les segments abdominaux sont quant à eux dépourvus d'appendices. Le premier segment abdominal porte les orifices génitaux d'où le nom de segment génital. Le dernier segment porte l'anus ainsi que deux extensions plus ou moins développées formant la furca. La furca doit être considérée comme un ultime segment abdominal plutôt que comme une paire d'appendices. |
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Les appendices portent souvent un grand nombre de soies. Ces soies peuvent jouer un rôle sensoriel (en particulier au niveau des antennes), elles peuvent intervenir dans la capture de la nourriture (en particulier pour les soies des appendices céphaliques), participer à la locomotion (dans le cas des pattes mais aussi des antennes) ou freiner la chute vers le fond des copépodes vivant en pleine eau (cas des soies furcales par exemple). Elles sont souvent utilisées pour distinguer les différentes espèces de copépodes. |
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Les proies ainsi capturées sont le plus souvent des algues unicellulaires de petite taille (5 à 50 µm environ) qui constituent l'essentiel du phytoplancton en eau douce comme en mer. |
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A l'opposé, les espèces de copépode carnivores du plancton ne filtrent pas l'eau mais capturent directement leurs proies après avoir détecté leur mouvement (mécanoréception) ou leurs effluves chimiques (chémoréception). |
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Entre ces deux extrêmes, beaucoup de copépodes planctoniques alternent entre des comportements filtreur et prédateur en fonction des conditions environnementales. Leur régime alimentaire est alors omnivore et peut même inclure des détritus organiques lorsque ceux-ci sont abondants dans le milieu. Ces détritus sont souvent colonisés par de nombreuses bactéries qui améliorent leur valeur nutritionnelle. |
Dans le cas des copépodes benthiques, les proies potentielles ne sont plus diluées dans le milieu environnant mais se repartissent à la surface du sédiment ou à l'intérieur même de celui-ci. On retrouve ainsi des copépodes herbivores qui cette fois ne filtrent pas l'eau mais broutent les algues unicellulaires composant le microphytobenthos. De même, on retrouve des copépodes carnivores qui "chassent" en se déplaçant sur le fond. Ici encore, de nombreuses espèces adoptent un régime alimentaire de type omnivore et consomment tant des algues que des protozoaires ou des détritus organiques. |
Qu'ils appartiennent au plancton ou au benthos, et quel que soit leur régime alimentaire, les copépodes se montrent souvent extrêmement sélectifs. Ils sont ainsi capables de trier les particules qu'ils ont capturé pour ne conserver que celles jugées intéressantes au point de n'ingérer parfois que certaines espèces très précises d'algues ou de protozoaires. Le principal critère de sélection mis en évidence est souvent la taille des proies mais la composition chimique ou la qualité nutritive de celles-ci jouent également un rôle très important. Ce mécanisme permet ainsi aux copépodes d'éviter certaines espèces toxiques mais aussi d'améliorer le rapport entre le gain d'energie apporté par la proie et la perte d'énergie nécessaire à sa capture et à son assimilation. |
REPRODUCTION | ||
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Chez les copépodes les sexes sont toujours séparés. La reproduction nécessite un accouplement car contrairement à beaucoup d'autres espèces aquatiques les gamètes ne sont pas émises directement dans le milieu. La reproduction à lieu toute l'année ou est au contraire saisonnière selon les espèces. L'adoption de l'un ou l'autre de ces comportements dépend souvent du rythme et de l'abondance des ressources nutritives ainsi que de la température. |
Dans un premier temps, le mâle mature est attiré par l'émission de phéromones par la femelle. Ces phéromones possèdent un champ d'action assez large comparé à la taille des copépodes, un mâle pouvant repérer une femelle à plus de 10 cm soit plus de 100 fois sa propre taille. Une fois la femelle repérée, le mâle s'en approche et la saisie au niveau de l'abdomen à l'aide de sa cinquième paire de pattes modifiée en crochets et en s'aidant parfois de ses antennes préhensiles lorsqu'il en est muni. Il peut alors déposer une sorte de sac allongé contenant le liquide séminal, le spermatophore, à proximité de l'orifice génital de la femelle. Le mâle relâche ensuite la femelle assez rapidement. |
Selon les cas, le contenu du spermatophore est transféré vers une spermathèque ou est conservé tel que par la femelle. Le spermatophore ou la spermathèque délivrera les spermatozoïdes nécessaire à la fécondation des oeufs au fur et à mesure que ces derniers seront produit par la femelle. La femelle ne reçoit en principe qu'un spermatophore à la fois mais on a déjà observé jusqu'à 15 spermatophores provenant de mâles différents sur une même femelle. |
Les oeufs produits par les femelles et fécondés au passage par le spermatophore sont ensuite conservés dans un ou deux sacs ovigères jusqu'à l' éclosion ou sont relâchés directement dans le milieu selon l'espèce considérée. |
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La fécondité des copépodes est généralement de l'ordre de quelques dizaines à quelques centaines d'oeufs par femelle et par jour. Elle s'avère généralement plus élevée chez les copépodes ne portant par leurs oeufs que chez les copépodes avec sac ovigère. Les oeufs relâchés dans le milieu par les espèces planctoniques mesurent une centaine de microns environ et possèdent souvent une ornementation permettant de freiner leur chute. De plus ces oeufs ont une densité assez faible car ils contiennent les réserves lipidiques nécessaires au développement de la future larve. Ainsi, leur vitesse de sédimentation est suffisamment faible pour que l'éclosion puisse se produire bien avant qu'ils n'atteignent le fond. Lorsque les conditions sont défavorables à l'espèce, il arrive cependant que les femelles produisent des oeufs de résistance, dit de diapause, qui n'éclosent pas immédiatement et tombent sur fond. Dans ce cas les oeufs n'éclosent qu'au retour de conditions favorables et / ou à la faveur d'une remise en suspension des sédiments par les courants. |
DEVELOPPEMENT | ||
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Le développement des copépodes compte 12 stades distincts répartis en 6 stades naupliens (N1 à N6) et 6 stades copépodites (C1 à C6), le dernier de ces stades correspondant à l'état adulte. Comme chez tous les arthropodes, le passage d'un stade à l'autre n'est pas progressif mais est au contraire marqué par une mue au cours de laquelle l'animal quitte son ancienne enveloppe (cuticule) et en met à jour une nouvelle. Une fois le stade adulte atteint et contrairement à d'autres crustacés, la croissance des copépodes s'arrête et il n'y a plus de mues. |
Les 3 premiers stades naupliens, de forme globalement ovoïde, ne possèdent que 3 paires d'appendices : les antennules, les antennes et les mandibules. Aucune segmentation n'est encore visible. Au cours des stades 4 à 6, les prémices d'une segmentation ainsi que l'ébauche d'appendices supplémentaires apparaissent mais l'animal est encore trés différent de son aspect adulte. |
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Au cours du passage du dernier stade nauplien au premier stade copépodite, les changements sont plus importants. Le premier stade copépodite présente en effet l'aspect du futur adulte. La segmentation apparaît clairement et les deux premières paires de pattes sont présentes. Les passages successifs du premier au dernier stade copépodite se traduisent par une augmentation du nombre de segments ainsi que par une augmentation du nombre de paires de pattes jusqu'à 4, 5 ou 6 paires selon l'espèce et le sexe considéré. C'est au passage au stade adulte (C6) que s'achève la différentiation du segment génital et de la dernière paire de patte. |
Les copépodes étant des organismes poikilothermes. La durée de leur développement est fortement influencée par la température. Elle dépend également, mais dans une moindre mesure, de l'abondance et de la qualité des ressources nutritives. Chez les petites espèces des zones tempérées, le passage de l'oeuf à l'adulte prend généralement quelques semaines alors que chez de grandes espèces des zones arctiques ou antarctiques il peut prendre plusieurs mois. |
ECOLOGIE | ||
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Les copépodes jouent un rôle très important dans l'équilibre écologique de la plupart des écosystèmes. Ces animaux occupent en effet une position clé dans la chaîne alimentaire. Ils constituent un lien entre le monde microbien au sein duquel ils puisent leur nourriture et les nombreuses espèces de poissons, de crevettes ou de méduses qui s'en nourrissent. Sans ce lien, une grande partie de la production primaire (production des végétaux autotrophes) ne parviendrai pas jusqu'aux échelons trophiques supérieurs et de nombreuses espèces aquatiques ne pourraient donc pas se développer. De plus, par la prédation qu'ils exercent sur les populations algales et microbiennes, les copépodes évitent parfois le développement excessif de ces populations qui pourrait conduire à l'asphyxie de certains milieux. En outre, les copépodes participent par divers mécanismes au recyclage de la matière organique et permettent le transport ou la rétention d'éléments fondamentaux comme le carbone ou l'azote que la physique seule ne permettrait pas. |
Deux variables contrôlent une grande partie de l'activité et de la dynamique des copépodes. Il s'agit de la température et de la quantité de nourriture. D'autre variable tel que la lumière, la turbulence ou la qualité de la nourriture interviennent également à des degrés divers mais généralement dans une moindre mesure. Il en résulte que sous un climat tempéré, les copépodes présentent généralement un pic d'abondance au printemps en relation avec l'élévation des températures et le développement du phytoplancton ou du microphytobenthos. Pendant l'été, les ressources phytoplanctoniques s'épuisant et les prédateurs se développant à leur tour, les copépodes connaissent généralement un déclin. Ils se développent à nouveau en automne lorsque le stock de nourriture se reconstitue et que les prédateurs deviennent plus rares mais ce pic secondaire est généralement plus modeste que celui du printemps. |
D'un point de vue géographique on retrouve surtout l'influence de la quantité de nourriture, les copépodes étant souvent plus abondants là où la production végétale est élevée c'est à dire près des côtes, près de la surface ou dans les zones d'upwelling pour les milieux marins, dans les lacs, les rivières ou les estuaires riches en sels nutritifs pour les milieux continentaux. |
Derrière ces grandes lignes se cachent en fait une multitude de niches écologiques occupées par les différentes espèces de copépodes. Certaines espèces sont très abondantes, très largement répartie à l'échelle du globe (on parle alors d'espèces ubiquistes) et utilisent une grande variété de ressources. D'autres au contraire sont très spécifiques de milieux particuliers (on parle alors d'espèces endémiques) et n'exploite que des ressources très précises. Les premières sont généralement plus tolérantes aux variations des variables environnementales que les secondes mais toutes jouent un rôle dans l'équilibre de la biosphère. |
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Pour des études quantitatives, le volume d'eau filtré au cours de la pêche peut être calculé à partir de la taille de l'ouverture du filet et de la vitesse du courant, cette vitesse étant mesuré à l'aide d'un petit courantomètre fixé au niveau de l'ouverture. D'autres méthodes de récoltes sont possibles bien que moins répandues. On peut par exemple utiliser une pompe à la sortie de laquelle on place un tamis. On peut également utiliser des bouteilles spéciales (bouteille Niskin) lorsque les copépodes sont très abondants. Enfin, il existe également des filets particuliers dit 'filets multinappes' qui permettent d'échantillonner à différentes profondeurs en une seule pêche. Selon l'étude envisagée, les animaux ainsi récoltés sont ensuite maintenus vivant dans un aquarium, fixé dans du formol ou de l'alcool ou encore congelé dans de l'azote liquide. |
L'observation à l'aide d'une loupe binoculaire d'un grossissement de X20 à X50 suffit pour identifier la plupart des espèces et pour effectuer des études qualitatives et quantitatives sur la composition en espèce d'un échantillon. Aucune coloration n'est réellement nécessaire mais on ajoute parfois du 'rose bengale' pour augmenter le contraste entre le fond et les animaux et pour mieux observer les structures fines qui sont normalement transparentes. |
Le microscope est nécessaire lorsque l'on veut observer le détail des appendices. On utilise alors généralement une lame creuse dans laquelle le copépode est placé au milieu d'une goutte d'huile et recouvert d'une lamelle. Dans un tel montage, le déplacement de la lamelle, grâce à la viscosité du liquide employé, permet une rotation de l'animal sur lui-même qui peut donc ainsi être observé sous tous les angles. |
L'étude de l'alimentation, de la reproduction ou du développement des copépodes mettent en oeuvre des méthodes parfois complexe compte tenu de la petite taille de ces organismes. Ces méthodes sont souvent indirectes et basées sur le suivi d'indicateurs biochimiques tels que les pigments, les lipides ou l'ARN par exemple. La principale difficulté rencontrée par les expérimentateurs est souvent de retranscrire au milieu naturel les résultats obtenus en laboratoire car les observations directes dans le milieu naturel sont encore rarement possibles. Des avancés réelles ont néanmoins lieu chaque année comme en témoignent le nombre important de publications scientifiques régulièrement consacrées à ces animaux à l'échelle internationale. |
Page écrite et réalisée par Stéphane Gasparini Observatoire Océanologique de Villefranche Université Pierre et Marie Curie Vos remarques et suggestions sont les bienvenues ! |