SCIENTIFIC AIMS
Dans
ce projet, nous nous proposons de développer une modélisation cohérente
à l'échelle globale de la biogéochimie marine incluant les sédiments
superficiels en vue d'études des interactions variabilité climatique-biogéochimie
marine. Par variabilité climatique, nous entendons la variabilité
grande échelle (excluant donc la méso-échelle et la sub-mésoéchelle
non résolue par les modèles globaux disponibles) sur des échelles
temporelles incluant le saisonnier, l'interannuel-décennal, les
changements futurs géochimiques et climatiques ainsi que les problématiques
paléocéanographiques. A terme, ce projet permettra la quantification
du cycle du carbone et des éléments associés (azote, phosphore,
silice, fer) dans le réservoir océanique de la surface aux sédiments
superficiels. Le contrôle du cycle du carbone, et en particulier
de la pCO2 de surface (régionalisation des flux air-mer de carbone),
par l'activité biologique marine ainsi que sa sensibilité à des
variations naturelles ou anthropiques du climat et des apports de
surface sera évaluée.
L'océan joue
un rôle central dans le système climatique terrestre non seulement
par le transport de chaleur et les échanges d'eau qu'il induit mais
aussi du fait de son importance dans le cycle général du carbone.
L'océan est de loin le réservoir actif de carbone le plus grand,
excédant d'un ordre de grandeur la biosphère continentale et l'atmosphère.
De plus, chaque année, l'océan échange près de 90 Pg C avec l'atmosphère.
Sa capacité à stocker du carbone et l'importance du flux de carbone
à l'interface air-mer confèrent à l'océan un rôle clé dans le contrôle
du contenu atmosphérique de gaz carbonique. Seul le contenu en carbone
de la lithosphère surpasse le réservoir océanique et une partie
significative des échanges avec la lithosphère transite par l'océan.
Ainsi, c'est au niveau de l'interface eau-sédiment marin que s'opère
le partage entre recyclage et enfouissement des particules biogènes,
et en particulier du carbone organique. La fraction du flux qui
est enfouie est soustraite du système pour des temps géologiques.
Chaque
année, les activités anthropiques rejettent dans l'atmosphère près
de 7 Pg de carbone. Sur ces rejets, seule la moitié s'accumule dans
l'atmosphère, le reste étant absorbé par l'océan ou la biosphère
terrestre. La régionalisation des sources et puits de carbone est
largement incertaine et malaisée. Elle est néanmoins cruciale pour
déterminer les échelles de temps caractéristiques de ce stockage.
En effet, le temps de résidence du carbone dans la biosphère continentale
est environ dix fois plus court que dans l'océan. Les mesures atmosphériques
et les prédictions des modèles océaniques tridimensionnels convergent
pour les années 90 vers une estimation du puits de carbone océanique
de l'ordre de 2 PgC an-1 (IPCC 2001 ; Keeling et al.,
1996 ; Orr et al., 2001). Au sein même de l'océan, il est pareillement
critique de déterminer le devenir du carbone soustrait à l'atmosphère,
en particulier par l'activité biologique. En effet, la profondeur
de l'export de matière organique détermine son temps de résidence
dans l'océan, un export plus profond signifiant généralement une
séquestration plus longue.
Le
rôle joué par l'océan n'est pas immuable dans le temps. Des conditions
climatiques différentes peuvent provoquer des changements radicaux
de la circulation océanique et des conditions aux limites des océans
(lumière, apports atmosphèriques de nutriments, ...) (Petit et
al., 1990 ; Manabe et Stouffer, 1994 ; Rasmussen et al., 1997).
Par suite, les caractéristiques de la productivité marine et le
devenir de la matière organique dans l'océan, que ce soit dans la
colonne d'eau ou dans les sédiments superficiels marins, peuvent
être profondément modifés. En altérant en retour la teneur en CO2
de l'atmosphère, la biomasse marine rétroagit ainsi sur le climat.
Bien que les causes en soient encore largement méconnues et discutées,
de telles interactions entre climat et biogéochimie marine ont été
avancées pour expliquer les variations de 80 ppmv environ des concentrations
de CO2 atmosphérique entre les périodes glaciaires et interglaciaires.
Ces interactions concernent d'une part des variations de la productivité
marine et de l'export de matière organique vers l'océan profond,
en particulier dans l'océan Austral, associées par exemple à une
augmentation durant les périodes glaciaires des apports atmosphériques
de fer (Martin et Fitzwater, 1988 ; Falkowski, 1997). D'autre
part, les sédiments marins jouent une rôle critique dans la rétroaction
«alcalinité-pCO2». En effet, le bilan d'alcalinité des océans est
déterminé par l'équilibre entre les apports fluviaux et l'enfouissement
dans les sédiments marins des particules carbonatées (Broecker
et Peng, 1987 ; Archer et Maier-Reimer, 1994). Actuellement,
aucune hypothèse prise isolément ne parvient à expliquer totalement
les variations observées de pCO2 atmosphérique. Seule une étude
de tout le système biogéochimique océanique (incluant les sédiments
superficiels marins) pourrait permettre d'étudier ces variations.
Enfin
dans le contexte d'un changement futur du climat, les modèles couplés
océan-atmosphère mettent en évidence des changements profonds de
la circulation océanique, de la productivité marine, ainsi que de
l'efficacité de l'océan à absorber la carbone anthropique (Sarmiento
et al. 1998, Bopp et al. 2001a). Pour prédire l'évolution des
concentrations de CO2 dans l'atmosphère, voire pour définir des
stratégies crédibles de stabilisation (cf. le sommet de Kyoto de
1997), il est nécessaire d'étudier et de comprendre ces interactions
entre climat et cycles biogéochimiques marins.
La
modélisation de la biogéochimie marine à grande échelle, et plus
spécifiquement de l'activité biologique, a connu un développement
important au cours des dernières années avec l'apparition de modèles
tenant compte de la limitation de la photosynthèse par plusieurs
éléments nutritifs (P, N, Fe, Si) profitant des avancées des observations
et des études de processus permises en particulier par le programme
JGOFS (Moore et al., 2001 ; Aumont et al., 2002). Ainsi,
un des acquis forts de cette dernière décennie aura été de montrer
que la photosynthèse est un processus complexe, dans lequel intervient
de nombreuses co-limitations simultanées (Tyrrell, 1999 ;
Boyd et al.,1999 ; Takeda, 1998). De plus, il est également
admis que les échanges de nutriments au niveau de la biomasse marine
ne sont pas Redfieldien, particulièrement lorsque les cellules phytoplanctoniques
sont stressées comme c'est le cas dans les milieu oligotrophe ou
HNLC. Ces avancées posent la question la validité de la grande majorité
des modèles actuels de type Fasham et al. (1990) qui supposent
des échanges Redfieldiens et n'incluent pas de réelles interactions
entre les différents nutriments et la lumière (la plupart de ces
modèles suppose des lois multiplicatives ou du minimum).
Si
des améliorations significatives ont été réalisées dans la représentation
de l'activité phytoplanctonique dans la zone éclairée, la modélisation
de l'ensemble des processus allant de la production dans les eaux
de surface du carbone organique particulaire jusqu'au dépôt au niveau
de l'interface avec le sédiment est restée relativement inchangée
et simpliste dans les modèles régionaux et globaux. Le devenir de
la matière organique et inorganique particulaire est décrit par
des profils quasi-exponentiels de redistribution (Suess, 1980
; Martin et al., 1987). Cette approche extrêmement simplifiée,
qui assigne à chaque fraction particulaire une profondeur moyenne
de pénétration, est loin d'être satisfaisante. Plusieurs études
détaillées où les auteurs comparent à des données les résultats
de simulations utilisant ces profils de redistribution (par ex.
Armstrong et al. 2002) ont en effet constaté des écarts importants
entre prédictions et observations.
Au
niveau des sédiments marins, la compréhension des processus régissant
la fraction de carbone séquestrée s'est notablement améliorée par
des études de terrain et de laboratoires (par ex. : Froehlich
et al., 1979 ; Rabouille et Gaillard, 1991 ; Canfield, 1993 ; Gehlen
et al., 1997). Parallèlement, nous assistons à l'élaboration
de modèles 1D de plus en plus complexes de la diagénèse du carbone
organique et des éléments associés dans les sédiments superficiels
(Van Cappellen et Wang, 1995 ; Sotaert et al., 1996). Néanmoins,
la quantification du rôle des sédiments marins dans le cycle du
carbone reste balbutiante à l'échelle globale. Heinze
et al. (1999) présentent un modèle couplé
océan-sédiment du cycle du carbone (HAMOCC2s). Ce modèle a une résolution
temporelle annuelle ce qui exclue l'étude de l'effet des variations
saisonnières et interannuelles sur le recyclage dans les sédiments
superficiels. En outre, la description simpliste des principales
réactions sédimentaires est critiquable (dégradation du carbone
organique par voie oxique, dissolution de la carbone inorganique
particulaire et de la silice biogénique).
Dans
ce projet, nous nous proposons de développer une modélisation cohérente
à l'échelle globale de la biogéochimie marine incluant les sédiments
superficiels en vue d'études des interactions variabilité climatique-biogéochimie
marine. Par variabilité climatique, nous entendons la variabilité
grande échelle (excluant donc la méso-échelle et la sub-mésoéchelle
non résolue par les modèles globaux disponibles) sur des échelles
temporelles incluant le saisonnier, l'interannuel-décennal, les
changements futurs géochimiques et climatiques ainsi que les problématiques
paleocéanographiques. Les modèles choisis comme point de départ
de ce projet sont : (1) le modèle ORCA comme modèle de circulation
générale des océans, (2) le modèle biogéochimique marin PISCES et
(3) le modèle sédimentaire HAMOCC2s. Au delà du couplage qui reste
à réaliser pour le modèle sédimentaire, nous nous proposons d'améliorer
les points suivants dans les différents modèles
:
(1)
Photosynthèse dans la zone euphotique : l'approche de type Fasham et
al. (1990) utilisée dans le modèle PISCES sera abandonnée pour
se tourner vers des modèles en quotas (Lancelot et al., 1999
; Geider et al., 1998 ; Moore et al., 2001).
(2)
Groupes phytoplanctoniques : augmentation du nombre de groupes phytoplanctoniques
représentés afin de mieux rendre compte du rôle biogéochimique spécifique
joué par certaines espèces phytoplanctoniques. Seront considérés
les organismes diazotrophes (types Trichodesmium spp.), les coccolithophoridées
(actuellement mené au Max-Planck de Jena en collaboration avec C.
Le Quéré) et éventuellement les dinoflagellés.
(3)
Modélisation explicite de la boucle microbienne.
(4)
Processus dans la colonne d'eau : représentation de la diversité des particules
produites en surface, de leur dynamique et de leurs interactions
(agrégation-desagrégation, chute) en s'appuyant tout d'abord sur
les travaux d'I. Kriest (MPIM Hambourg) (Kriest et Evans, 1999)
puis éventuellement sur des modèles plus complexes (par ex : Jackson
et al., 2000).
(5)
Dégradation de la matière organique dans les sédiments marins: prise en
compte des différences de réactivité du carbone organique entre
une fraction labile et une fraction réfractaire ; extension de la
description de la dégradation du carbone organique à la dénitrification.
(6)
Dissolution de la fraction carbonatée : révision des cinétiques proposées
par Keir (1983) ; interaction entre dégradation de la matière
organique et dissolution du CaCO3 (Gehlen et al., 1999).
(7)
Dissolution de la silice biogénique : révision des cinétique de dissolution
et des solubilités basée sur les travaux réalisés à l'IUM (Gallinari
et al., 2000 ; Raguenau et al., 2000).
A terme, ce projet permettra la quantification du cycle du carbone et des éléments associés (azote, phosphore, silice, fer) dans le réservoir océanique de la surface aux sédiments superficiels. Le contrôle du cycle du carbone, et en particulier de la pCO2 de surface (régionalisation des flux air-mer de carbone), par l'activité biologique marine ainsi que sa sensibilité à des variations naturelles ou anthropiques du climat et des apports de surface sera évaluée. Dans le contexte des efforts déployés à l'échelle nationale autour de la modélisation du système Terre (climat/biogéochimie), ce projet représente une contribution importante en apportant une modélisation du système biogéochimique océanique. En outre, il permettra d'apporter un module «sédiments marins» actuellement absent du système couplé climat-carbone de l'IPSL. Enfin, la modélisation 3D global de la biogéochimie marine, et plus spécifiquement de l'activité biologique de surface, permettra des collaborations vers des études de ressources halieutiques et de chaînes trophiques, en particulier avec la communauté des halieutes de l'IRD (par ex : O. Maury de l'UR Thétys).
OCEVAR O.Aumont |
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04-Jul-2006
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