OCEVAR : Modélisation 3D des cycles biogéochimiques marins et des sédiments superficiels à l'échelle globale.

 

SCIENTIFIC  AIMS
( 25-Aoû-2003 /oA)
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ABSTRACT


Dans ce projet, nous nous proposons de développer une modélisation cohérente à l'échelle globale de la biogéochimie marine incluant les sédiments superficiels en vue d'études des interactions variabilité climatique-biogéochimie marine. Par variabilité climatique, nous entendons la variabilité grande échelle (excluant donc la méso-échelle et la sub-mésoéchelle non résolue par les modèles globaux disponibles) sur des échelles temporelles incluant le saisonnier, l'interannuel-décennal, les changements futurs géochimiques et climatiques ainsi que les problématiques paléocéanographiques. A terme, ce projet permettra la quantification du cycle du carbone et des éléments associés (azote, phosphore, silice, fer) dans le réservoir océanique de la surface aux sédiments superficiels. Le contrôle du cycle du carbone, et en particulier de la pCO2 de surface (régionalisation des flux air-mer de carbone), par l'activité biologique marine ainsi que sa sensibilité à des variations naturelles ou anthropiques du climat et des apports de surface sera évaluée.

 

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L'océan joue un rôle central dans le système climatique terrestre non seulement par le transport de chaleur et les échanges d'eau qu'il induit mais aussi du fait de son importance dans le cycle général du carbone. L'océan est de loin le réservoir actif de carbone le plus grand, excédant d'un ordre de grandeur la biosphère continentale et l'atmosphère. De plus, chaque année, l'océan échange près de 90 Pg C avec l'atmosphère. Sa capacité à stocker du carbone et l'importance du flux de carbone à l'interface air-mer confèrent à l'océan un rôle clé dans le contrôle du contenu atmosphérique de gaz carbonique. Seul le contenu en carbone de la lithosphère surpasse le réservoir océanique et une partie significative des échanges avec la lithosphère transite par l'océan. Ainsi, c'est au niveau de l'interface eau-sédiment marin que s'opère le partage entre recyclage et enfouissement des particules biogènes, et en particulier du carbone organique. La fraction du flux qui est enfouie est soustraite du système pour des temps géologiques.

Chaque année, les activités anthropiques rejettent dans l'atmosphère près de 7 Pg de carbone. Sur ces rejets, seule la moitié s'accumule dans l'atmosphère, le reste étant absorbé par l'océan ou la biosphère terrestre. La régionalisation des sources et puits de carbone est largement incertaine et malaisée. Elle est néanmoins cruciale pour déterminer les échelles de temps caractéristiques de ce stockage. En effet, le temps de résidence du carbone dans la biosphère continentale est environ dix fois plus court que dans l'océan. Les mesures atmosphériques et les prédictions des modèles océaniques tridimensionnels convergent pour les années 90 vers une estimation du puits de carbone océanique de l'ordre de 2 PgC an-1 (IPCC 2001 ; Keeling et al., 1996 ; Orr et al., 2001).  Au sein même de l'océan, il est pareillement critique de déterminer le devenir du carbone soustrait à l'atmosphère, en particulier par l'activité biologique. En effet, la profondeur de l'export de matière organique détermine son temps de résidence dans l'océan, un export plus profond signifiant généralement une séquestration plus longue.

Le rôle joué par l'océan n'est pas immuable dans le temps. Des conditions climatiques différentes peuvent provoquer des changements radicaux de la circulation océanique et des conditions aux limites des océans (lumière, apports atmosphèriques de nutriments, ...) (Petit et al., 1990 ; Manabe et Stouffer, 1994 ; Rasmussen et al., 1997). Par suite, les caractéristiques de la productivité marine et le devenir de la matière organique dans l'océan, que ce soit dans la colonne d'eau ou dans les sédiments superficiels marins, peuvent être profondément modifés. En altérant en retour la teneur en CO2 de l'atmosphère, la biomasse marine rétroagit ainsi sur le climat. Bien que les causes en soient encore largement méconnues et discutées, de telles interactions entre climat et biogéochimie marine ont été avancées pour expliquer les variations de 80 ppmv environ des concentrations de CO2 atmosphérique entre les périodes glaciaires et interglaciaires. Ces interactions concernent d'une part des variations de la productivité marine et de l'export de matière organique vers l'océan profond, en particulier dans l'océan Austral, associées par exemple à une augmentation durant les périodes glaciaires des apports atmosphériques de fer (Martin et Fitzwater, 1988 ; Falkowski, 1997). D'autre part, les sédiments marins jouent une rôle critique dans la rétroaction «alcalinité-pCO2». En effet, le bilan d'alcalinité des océans est déterminé par l'équilibre entre les apports fluviaux et l'enfouissement dans les sédiments marins des particules carbonatées (Broecker et Peng, 1987 ; Archer et Maier-Reimer, 1994). Actuellement, aucune hypothèse prise isolément ne parvient à expliquer totalement les variations observées de pCO2 atmosphérique. Seule une étude de tout le système biogéochimique océanique (incluant les sédiments superficiels marins) pourrait permettre d'étudier ces variations.

Enfin dans le contexte d'un changement futur du climat, les modèles couplés océan-atmosphère mettent en évidence des changements profonds de la circulation océanique, de la productivité marine, ainsi que de l'efficacité de l'océan à absorber la carbone anthropique (Sarmiento et al. 1998, Bopp et al. 2001a). Pour prédire l'évolution des concentrations de CO2 dans l'atmosphère, voire pour définir des stratégies crédibles de stabilisation (cf. le sommet de Kyoto de 1997), il est nécessaire d'étudier et de comprendre ces interactions entre climat et cycles biogéochimiques marins.     

La modélisation de la biogéochimie marine à grande échelle, et plus spécifiquement de l'activité biologique, a connu un développement important au cours des dernières années avec l'apparition de modèles tenant compte de la limitation de la photosynthèse par plusieurs éléments nutritifs (P, N, Fe, Si) profitant des avancées des observations et des études de processus permises en particulier par le programme JGOFS (Moore et al., 2001 ; Aumont et al., 2002). Ainsi, un des acquis forts de cette dernière décennie aura été de montrer que la photosynthèse est un processus complexe, dans lequel intervient de nombreuses co-limitations simultanées (Tyrrell, 1999 ; Boyd et al.,1999 ; Takeda, 1998). De plus, il est également admis que les échanges de nutriments au niveau de la biomasse marine ne sont pas Redfieldien, particulièrement lorsque les cellules phytoplanctoniques sont stressées comme c'est le cas dans les milieu oligotrophe ou HNLC. Ces avancées posent la question la validité de la grande majorité des modèles actuels de type Fasham et al. (1990) qui supposent des échanges Redfieldiens et n'incluent pas de réelles interactions entre les différents nutriments et la lumière (la plupart de ces modèles suppose des lois multiplicatives ou du minimum).

Si des améliorations significatives ont été réalisées dans la représentation de l'activité phytoplanctonique dans la zone éclairée, la modélisation de l'ensemble des processus allant de la production dans les eaux de surface du carbone organique particulaire jusqu'au dépôt au niveau de l'interface avec le sédiment est restée relativement inchangée et simpliste dans les modèles régionaux et globaux. Le devenir de la matière organique et inorganique particulaire est décrit par des profils quasi-exponentiels de redistribution (Suess, 1980 ; Martin et al., 1987). Cette approche extrêmement simplifiée, qui assigne à chaque fraction particulaire une profondeur moyenne de pénétration, est loin d'être satisfaisante. Plusieurs études détaillées où les auteurs comparent à des données les résultats de simulations utilisant ces profils de redistribution (par ex. Armstrong et al. 2002) ont en effet constaté des écarts importants entre prédictions et observations.  

Au niveau des sédiments marins, la compréhension des processus régissant la fraction de carbone séquestrée s'est notablement améliorée par des études de terrain et de laboratoires (par ex. : Froehlich et al., 1979 ; Rabouille et Gaillard, 1991 ; Canfield, 1993 ; Gehlen et al., 1997). Parallèlement, nous assistons à l'élaboration de modèles 1D de plus en plus complexes de la diagénèse du carbone organique et des éléments associés dans les sédiments superficiels (Van Cappellen et Wang, 1995 ; Sotaert et al., 1996). Néanmoins, la quantification du rôle des sédiments marins dans le cycle du carbone reste balbutiante à l'échelle globale. Heinze et al. (1999) présentent un modèle couplé océan-sédiment du cycle du carbone (HAMOCC2s). Ce modèle a une résolution temporelle annuelle ce qui exclue l'étude de l'effet des variations saisonnières et interannuelles sur le recyclage dans les sédiments superficiels. En outre, la description simpliste des principales réactions sédimentaires est critiquable (dégradation du carbone organique par voie oxique, dissolution de la carbone inorganique particulaire et de la silice biogénique).

Dans ce projet, nous nous proposons de développer une modélisation cohérente à l'échelle globale de la biogéochimie marine incluant les sédiments superficiels en vue d'études des interactions variabilité climatique-biogéochimie marine. Par variabilité climatique, nous entendons la variabilité grande échelle (excluant donc la méso-échelle et la sub-mésoéchelle non résolue par les modèles globaux disponibles) sur des échelles temporelles incluant le saisonnier, l'interannuel-décennal, les changements futurs géochimiques et climatiques ainsi que les problématiques paleocéanographiques. Les modèles choisis comme point de départ de ce projet sont : (1) le modèle ORCA comme modèle de circulation générale des océans, (2) le modèle biogéochimique marin PISCES et (3) le modèle sédimentaire HAMOCC2s. Au delà du couplage qui reste à réaliser pour le modèle sédimentaire, nous nous proposons d'améliorer les points suivants dans les différents modèles  :

(1) Photosynthèse dans la zone euphotique : l'approche de type Fasham et al. (1990) utilisée dans le modèle PISCES sera abandonnée pour se tourner vers des modèles en quotas (Lancelot et al., 1999 ; Geider et al., 1998 ; Moore et al., 2001).

(2) Groupes phytoplanctoniques : augmentation du nombre de groupes phytoplanctoniques représentés afin de mieux rendre compte du rôle biogéochimique spécifique joué par certaines espèces phytoplanctoniques. Seront considérés les organismes diazotrophes (types Trichodesmium spp.), les coccolithophoridées (actuellement mené au Max-Planck de Jena en collaboration avec C. Le Quéré) et éventuellement les dinoflagellés.

(3) Modélisation explicite de la boucle microbienne.

(4) Processus dans la colonne d'eau : représentation de la diversité des particules produites en surface, de leur dynamique et de leurs interactions (agrégation-desagrégation, chute) en s'appuyant tout d'abord sur les travaux d'I. Kriest (MPIM Hambourg) (Kriest et Evans, 1999) puis éventuellement sur des modèles plus complexes (par ex : Jackson et al., 2000).

(5) Dégradation de la matière organique dans les sédiments marins: prise en compte des différences de réactivité du carbone organique entre une fraction labile et une fraction réfractaire ; extension de la description de la dégradation du carbone organique à la dénitrification.

(6) Dissolution de la fraction carbonatée : révision des cinétiques proposées par Keir (1983) ; interaction entre dégradation de la matière organique et dissolution du CaCO3 (Gehlen et al., 1999).

(7) Dissolution de la silice biogénique : révision des cinétique de dissolution et des solubilités basée sur les travaux réalisés à l'IUM (Gallinari et al., 2000 ; Raguenau et al., 2000). 

A terme, ce projet permettra la quantification du cycle du carbone et des éléments associés (azote, phosphore, silice, fer) dans le réservoir océanique de la surface aux sédiments superficiels. Le contrôle du cycle du carbone, et en particulier de la pCO2 de surface (régionalisation des flux air-mer de carbone), par l'activité biologique marine ainsi que sa sensibilité à des variations naturelles ou anthropiques du climat et des apports de surface sera évaluée. Dans le contexte des efforts déployés à l'échelle nationale autour de la modélisation du système Terre (climat/biogéochimie), ce projet représente une contribution importante en apportant une modélisation du système biogéochimique océanique. En outre, il permettra d'apporter un module «sédiments marins» actuellement absent du système couplé climat-carbone de l'IPSL. Enfin, la modélisation 3D global de la biogéochimie marine, et plus spécifiquement de l'activité biologique de surface, permettra des collaborations vers des études de ressources halieutiques et de chaînes trophiques, en particulier avec la communauté des halieutes de l'IRD (par ex : O. Maury de l'UR Thétys).

 

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