BIOSOPE
BIogeochmistry and Optics South Pacific Experiment
(26-jan-2005 /hC)

SCIENTIFIC AIMS  REFERENCES

  SHORT  DESCRIPTION

The main objective of the BIOSOPE project is to study, during austral summer (likely in 2004), the biological, biogeochemical and optical characteristics of different trophic regimes in the South East Pacific, and especially the oligotrophic area associated to the central part of the South Pacific Gyre (SPG). This area has been one of the less studied major oceanic entities of the world ocean and presents the interesting particularity of being far away from any desert dust (iron) source. The second objective of the project, which is an important prerequisite for the success of this South Pacific cruise, is to develop or adapt methods in order to be able to quantify stocks or fluxes at levels close to detection limits, which are expected to be encountered in the highly oligotrophic conditions associated to the SPG. These developments will be undertaken during the first two years of the project (2002 and 2003). The third objective of the project deals with a synthesis on the (biological, biogeochemical and optical) characteristics of various oligotrophic regime that have been studied (and will be studied here in the Pacific) as part of various JGOFS projects which were carried out during the last decade, in particular by the French community

 

 

  SCIENTIFIC AIMS

 

I.1 Cadre Général - Etat de l'art      (click to go to .....) ...........

I.1.1 Désertification, dépôts de fer, et réponse biogéochimique des zones centrales des océans.

I.1.2 Propriétés biologiques, bio-géochimiques et bio-optiques d'une zone oligotrophe limitée par le fer........

I.2 Pour une étude dans le Pacifique Sud

I.2.1 Les thèmes scientifiques généraux

I.2.1.1 Les processus chimiques et biologiques régulateurs des flux d'éléments

I.2.1.2 Le reseau microbien (diversité et aspects fonctionnels)

I.2.1.3 L'interprétation de la couleur de l'océan et la validations des modèles bio-optiques

I.2.2 Justification du choix des sites d'étude

I.2.2.1 Oligotrophie "extrème" : le tourbillon du Pacifique Sud

I.2.2.2 Mésotrophie : Fertilisation naturelle en zone HLNC sub-équatoriale

I.1 Cadre Général - Etat de l'art

I.1.1 Désertification, dépôts de fer, et réponse biogéochimique des zones centrales des océans.

 

Le rôle du fer dans la limitation (ou la stimulation) de la production photosynthétique marine a été étudié expérimentalement et commence à être mis en évidence dans les zones dites HLNC (High Nutrient-Low Chlorophyll) comme le pacifique équatorial (e.g. Coale et al. 1996b ) ou l'océan austral (e.g. Boyd et al. 2000 ). Par contre, l'influence du fer dans la limitation de la fixation d'azote gazeux dans les vastes zones centrales des océans "Low nutrient - Low-Chlorophyll" (LNLC) que constituent les tourbillons sub-tropicaux n'a été que rarement abordée; pourtant, étant donné leur importance spatiale (~ 40% de l'océan mondial), la disponibilité ou non-disponibilté en fer dans ces zones pourrait avoir une influence majeure sur le flux net de séquestration de CO2 par la voie biologique à l'échelle globale ( Karl et al. 1997 , Falkowski 1997 ).

En "stimulant" l'assimilation d'azote "nouveau", la présence de fer dans une zone océanique est indirectement à l'origine de la limitation de la production par le phosphore ( Karl et al. 1997 ; Wu et al. 2000 ). Le transport éolien de poussières désertiques constitue la source majeure de fer pour les zones centrales des océans ( Duce and Tindale 1991 : l'état biogéochimique (limitation en phosphate vs nitrates, intensité de la limitation en phosphore) des "gyres" sub-tropicaux est donc intimement lié au transport éolien, et donc, à la proximité des déserts.

Il existe désormais de nombreuses évidences qui montrent que "l'état biogéochimique" des tourbillons de l'hémisphère Nord n'est pas à l'état stable mais, bien au contraire, en train d'évoluer ( Pahlow and Riebesell 2000 , Church et al. 2002 ): en effet, depuis une cinquantaine d'année, ces systèmes, qui étaient initialement limités par l'azote, sont en train de présenter les caractéristiques d'une limitation par le phosphore. Ces évolutions résultent pour partie d'un accroissement des sources anthropiques d'azote ( Elliott et al. 1997 ). Néanmoins, il reste vraisemblable que le principal facteur responsable des évolutions actuellement constatées soit l'augmentation de la déposition d'aérosols désertiques à la surface des océans. Le Sahara est la source principale de poussières désertiques pour l'océan Atlantique alors que les déserts asiatiques (e.g. désert de Gobi) représentent la source essentielle pour le Pacifique Nord. Cet accroissement des dépôts d'origine désertique est soit d'origine naturelle (résultat d'oscillation climatiques, Moulin et al. 1997 ) ou bien la conséquence de l'action de l'homme sur son habitat (désertification associée à une intensification de l'utilisation des terres, Andreae 1996 ).

Dans la mesure où les principales sources d'aérosols désertiques sont localisées dans l'hémisphère nord, les dépôts dans l'hémisphère Sud sont très faibles, de l'ordre de deux ordres de grandeur inférieurs à ceux mesuré dans le Nord ( Duce and Tindale 1991 , Moore et al. 2002 ) (Figure 1). La conséquence immédiate de cette rareté des dépôt est que les tourbillons de l'hémisphère Sud sont vraisemblablement limités en azote, car limités en fer. En outre, si les tourbillons de l'hémisphère nord sont en train d'évoluer, aucune évolution sensible n'est perceptible pour ceux de l'hémisphère sud ( Pahlow and Riebesell 2000 ), peut-être de par la faiblesse des forçages. A priori, les tourbillons subtropicaux de l'hémisphère sud peuvent donc être considérés comme des références relativement "pures" et biogéochimiquement stables. En ce sens, ils représentent donc un grand intérêt dans une perspective de monitoring à grande échelle de l'influence des perturbations anthropiques et des changements climatiques sur les grandes entités océaniques et en particulier, sur les tourbillons subtropicaux.

I.1.2 Propriétés biologiques, bio-géochimiques et bio-optiques d'une zone oligotrophe limitée par le fer.

 

La station située à 16°S 150°W, dans le tourbillon sub-tropical du Pacifique Sud fut étudiée pendant une période de 5 jours lors de la campagne OLIPAC (JGOFS-France, décembre 1994). A notre connaissance, c'est l'étude biogéochimique "la plus orientale" réalisée à ce jour dans ce vaste système. L'oligotrophie, qui y fut alors qualifiée d'extrême, présentait les caractéristiques suivantes :

 

Ø      Les nitrates sont indétectables dans la couche 0-100m (et souvent 0-120m), y compris lorsque les méthodes nano-molaires furent utilisées ( Raimbault et al. 1999 ; Moutin et Coste, 1996)

Ø      Les phosphates ne sont pas limitants, les concentrations sont supérieures à 0.1 mM jusqu'en surface ( Raimbault et al. 1999 ).

Ø      Le maximum de Chlorophylle est très profond. Durant l'été austral, il est en deçà de 120 m et atteint parfois la profondeur de 150 m. ( Claustre et al. 1999 ).

Ø      Les eaux sont, en conséquence, extrêmement claires; la couche euphotique s'étend au delà de 125 m ( Morel and Maritorena 2001 ), ce qui constituerait en quelque sorte un "record" pour des eaux océaniques tropicales.

Ø      Dans l'UV, le coefficient d'atténuation diffuse est extrêmement faible, suggérant que la contribution de matière organique colorée et/ou de particules non-algales est très faible ( Morel and Maritorena 2001 ).

Ø      Cette dernière hypothèse est confirmée (dans un système légèrement moins oligotrophe, à 13°S) : la contribution par les particules non-algales (biogène et/ou minérales) est extrêmement faible, en réalité la plus faible de l'océan mondial ( Bricaud et al. 1998 ). L'absorption semble donc essentiellement sous la dépendance du (faible) contenu en phytoplancton.

Ø      La fluorescence de la Dv-Chla des Prochlorococcus dans la zone superficielle (> 50 m) est extrêmement faible ( Vaulot and Marie 1999 , Partensky et al. 1999 ).

Ø      Une rythmicité diurne très marquée apparaît aussi bien dans les propriétés optiques ( Claustre et al. 1999 ) que dans les caractéristiques photo-physiologiques déduites des mesures de fluorescence variable ( Behrenfeld and Kolber 1999 ) ou encore la fluorescence de la chlorophylle de Synechococcus ( Vaulot and Marie 1999 ). L'amplitude de cette rythmicité, notamment pour la fluorescence variable, semble contrôlée par la limitation en fer ( Behrenfeld and Kolber 1999 ).

 

En résumé, les propriétés bio-optiques et bio-géochimiques décrites durant OLIPAC sont donc révélatrices d'un système (1) a priori très oligotrophe et (2) limité par l'azote (et le fer). Néanmoins, sur la base de la concentration de chlorophylle de surface, l'affirmation selon laquelle l'oligotrophie au site 16°S, 150°W est extrême est fausse (Figure 1). Plus à l'est, il semble qu'une oligotrophie encore plus marquée prévale.

Les images satellites SeaWiFS (lancé en septembre 1997) montrent très clairement que le centre du tourbillon du Pacifique Sud est la zone la plus oligotrophe [1] de la planète, en particulier durant la fin de l'été austral. Les concentrations de chlorophylle y sont systématiquement inférieures à 0,03 mg Chla m-3 et, au centre de la zone (120°W; 20°S), elles présentent une valeur moyenne de 0,02 mg m-3, soit une concentration proche des concentrations détectables à partir des images couleur SeaWiFS.

Récemment, Vasilkov et al. (2001 ) ont montré, à partir d'une combinaison de cartes de [Chla] (produites par SeaWiFS) et d'éclairement de surface dans le domaine de l'UV (produites par TOMS, Total Ozone Mapping Spectrometer) que le centre du tourbillon du Pacifique Sud est également la zone de l'océan mondial où les radiations UV pénètrent le plus profondément.

D'autres investigations tentent également d'extraire de "nouveaux" produits bio-optiques et bio-géochimiques à partir des luminances marines télédétectées. Dans ces études aussi, le centre du tourbillon du pacifique Sud présente les caractères les plus extrêmes de l'océan mondial (Figure 2) : les coefficients d'absorption à 440 nm, a(440), et de retro-diffusion des particules à 550 nm, bbp(550), y sont minimaux durant l'été austral [Loisel, in prep] : la concentration des particules ainsi que des substances dissoutes colorée sont vraisemblablement minimales dans cette zone océanique (pouvant expliquer une pénétration préférentielle des UV). Enfin, la dépendance spectrale de la retro diffusion suggère que les particules y sont, comme dans tous les tourbillons sub-tropicaux, très petites (Loisel, in prep). Ces résultats préliminaires restent néanmoins à confirmer à partir de mesures in situ.

I.2 Pour une étude dans le Pacifique Sud

I.2.1 Les thèmes scientifiques généraux

En continuité avec les études de type "process studies" initiées par JGOFS et en adéquation avec les thèmes 1 et 2 de l'appel d'offre PROOF, la campagne BIOSOPE place l'étude couplée du cycle des éléments (C, N, P, Si, Fe) au cœur de ses préoccupations. Derrière cet objectif général et fédérateur, BIOSOPE se distingue par deux originalités majeures :

D'une part, la manière d'aborder la question centrale est résolument novatrice; aux études biogéochimiques "classiques", c'est-à-dire visant à comprendre les processus régulateurs des stocks et les flux de matière et d'éléments, seront associées des études plus exploratoires et en marge de la biogéochimie : les études de biologie moléculaire permettant d'aborder la biodiversité marine aussi bien dans sa composante taxonomique que fonctionnelle; les études d'optique marine permettant de comprendre comment la biogéochimie détermine et module la couleur de l'eau, que l'on observe, en particulier par des capteurs satellitaux.

D'autre part, BIOSOPE ambitionne de "s'attaquer" à l'étude d'une zone de l'océan mondial, le Pacifique Sud-Est, et en particulier le tourbillon sub tropical, qui a été "consciencieusement" ignorée durant la décade JGOFS, alors que le rôle potentiel de cette vaste zone océanique sur les cycles des éléments à l'échelle globale est certainement non-négligeable ( Daneri and Quinones 2001 ; Falkowski et al. 1998 ).

 

Les trois grandes orientations de la campagne BIOSOPE sont détaillées ci-après :

I.2.1.1 Les processus chimiques et biologiques régulateurs des flux d'éléments.

           

Ø      De la limitation par les seuls nitrates à la multi-limitation. Il est couramment admis que le contrôle de la production primaire est exercé, in fine, par la disponibilité de l'azote ( Dugdale and Wilkerson 1986 ) et que la quantité de matière produite (et donc de carbone potentiellement séquestré) dépend de l'intensité du flux de nitrate des couches profondes vers les couches éclairées selon le concept de production exportable ( Eppley and Peterson 1979 ). Toutefois, dans certaines conditions (systèmes HNLC, zones tropicales, systèmes côtiers, mers fermées, ...), l'efficacité d'utilisation du flux de nitrate peut être modulée par d'autres éléments biogènes majeurs comme le phosphore ( Codispoti 1989 ), le silicium (Dugdale et al., 1995) ou par des éléments-traces, en particulier le fer ( Martin et al. 1994 , Coale et al. 1996a ). De plus, alors que l'on cherchait depuis plusieurs années à représenter le puits biologique de carbone par le biais essentiel de l'exportation particulaire, on a dû prendre également en compte le rôle du compartiment organique dissous, longtemps considéré comme inerte.

Les communautés phytoplanctoniques, à la base de la production de carbone organique, sont composés d'organismes très diversifiés et dont la dominance est contrôlée par les caractéristiques nutritionnelles vis-à-vis des éléments majeurs mais aussi des éléments-traces; la nature même des organismes dominant ces communautés (diatomées, prymnésiophycées, cyanobactéries) conditionne fortement l'exportation du matériel biogène, accélérant ou retardant le transfert vers les couches profondes.

      Si les limitations successives ou simultanées exercées par les éléments sont des processus majeurs dans le contrôle de la composition taxonomique du phytoplancton, la co-limitation (modification des processus d'utilisation d'un nutriment par la disponibilité d'un ou de plusieurs autres) représente aussi un processus important de contrôle, à la fois de la taxonomie et de la composition élémentaire des organismes ( Hutchins and Bruland 1998 , Takeda 1998 ), et donc de la qualité de la matière biogène exportable.

      La vision d'un cycle du carbone contrôlé uniquement par la disponibilité en nitrate est devenue à l'évidence trop schématique et le rôle des couplages élémentaires semble aujourd'hui déterminant. Il est donc opportun d'approfondir la connaissance et l'impact des processus de régulation des flux biogènes, étape essentielle en vue d'une meilleure quantification et d'une modélisation (e.g. Moore et al. 2002 ) correcte des puits et sources de CO2 dans les différentes provinces océaniques.

 

Ø      La limitation par les phosphates. Des travaux récents indiquent que le phosphate pourrait jouer un rôle déterminant dans la productivité de nombreuses régions océaniques dites oligotrophes. Le manque de phosphate peut limiter la croissance algale ( Berland et al. 1980 , Thingstad et al. 1998 ), et celle du bactérioplancton ( Thingstad et al. 1998 ). Ceci va à l'encontre du concept classique qui consiste à considérer le phytoplancton et le bactérioplancton respectivement comme consommateur et minéralisateur de phosphate. En effet, selon Thingstad et al. (1993 ), leur rôle vis-à-vis du phosphate est sensiblement identique et la compétition qui en résulte apparaît comme un processus clef dans le cycle biogéochimique du carbone, notamment en ce qui concerne l'export de carbone organique de la couche euphotique vers l'océan profond ( Thingstad et al. 1997 ). Ce dernier auteur propose le modèle de réseau trophique suivant : le phosphate est absorbé de manière compétitive par les bactéries et le phytoplancton, et contrôle le taux de croissance de ces populations; les biomasses sont contrôlées par le broutage du zooplancton. Ce modèle suggère une modification à la fois au niveau de la structure et du fonctionnement du réseau trophique, d’une situation oligotrophe (peu de phosphate disponible) où dominent les micro-organismes de petite taille et où l’exportation de carbone se fait essentiellement sous forme dissoute, à une situation eutrophe dominée par des micro-organismes de plus grande taille et où l’exportation de carbone particulaire par sédimentation est également importante (phosphate non limitant). Il convient d'apprécier si ces bases conceptuelles sont également valides pour le Pacifique Sud, et en particulier pour le Tourbillon sub-tropical, où la limitation par le phosphore n'est pas attendue a priori.

 

Ø      La limitation par l'acide silicique. Le silicium est également un élément susceptible de contrôler la composition des assemblages phytoplanctoniques ( Smayda 1990 ). Le degré de sa disponibilité contrôle directement la présence de communautés dominées par des organismes siliceux (notamment les diatomées) ou non siliceux. Ces derniers sont représentés par différents groupes (flagellés, coccolithophoridés, dinoflagellés) dont le développement est contrôlé par les conditions nutritionnelles vis-à-vis des autres éléments majeurs, azote et phosphore, et par conséquent du type de système de production (régénération vs. production nouvelle). De ce fait, le silicium joue un rôle important dans le transfert de matière organique vers les réseaux trophiques ou le sédiment (séquestration) via le transport vertical. Les exemples de ce contrôle se multiplient depuis quelques années, que ce soit dans le domaine océanique ( Dugdale et al. 1995 ) ou dans les écosystèmes eutrophes ( Del Amo et al. 1997 ). Les organismes siliceux sont généralement considérés comme peu importants dans les systèmes oligotrophes. Toutefois, certaines études alliées aux observations réalisées pendant la campagne PROSOPE montrent l'existence de pics parfois transitoires associés à la discontinuité physique de la thermocline. Ces pics peuvent représenter des épisodes d'injection de nutriments pouvant alors représenter des épisodes transitoire d'exportation de matière biogène. Malgré la faible contribution présumée des diatomées, les zones oligotrophes représentent quand même, compte tenu de leur superficie, près de la moitié de la production globale de silice biogénique (Nelson et al., 1995) et certaines études indiquent que les diatomées peuvent présenter 20% de la production de carbone du DCM dans ces systèmes ( Blain et al. 1997 ). Il apparaît donc nécessaire de clarifier le rôle des diatomées dans les systèmes oligotrophes pour quantifier plus précisément la contribution de ces systèmes au cycle du silicium.

 

Ø      Le rôle du fer. L'influence du fer sur la limitation de la production biologique est très certainement fondamentale dans le Pacifique Sud (e.g. Moore et al. 2002 Etant donné la rareté des observations, les études devront se faire aussi bien sur l'aérosol que sur la colonne d'eau. Pour l’aérosol en effet, si celui-ci est bien caractérisé d’un point de vue granulométrie et composition (voir par exemple > Kinne and Puesche 2001 , Duce et al. 1983 ) au dessus de l’Océan Pacifique Nord, il n’en est pas de même en ce qui concerne le Pacifique sud-tropical. S’il semble que les aérosols dans l’hémisphère nord soient principalement issus des zones arides asiatiques, la composition atmosphérique dans l’hémisphère sud de l’océan serait plus influencée par les émissions en provenance de l’Amérique du sud et de l’Amérique centrale ( Ohkouchi et al. 1997 ). L’essentiel de la masse des particules (de l’ordre de 1 µg.m-3 dans cette région du Pacifique), est composée de sels marins et de sulfates marins mais une fraction non négligeable consiste en particules minérales et en carbone suie ( Mcinnes et al. 1996 ). Cette composition en ce qui concerne le fer et autres éléments lithogéniques comme Al et Si est particulièrement peu documentée; elle est évidemment liée au trajet de la masse d’air correspondante et il sera fondamental de documenter ces apports à la colonne d’eau, si faibles soient-ils. De la même manière que pour l'aérosol, la zone du Pacifique Sud que se propose d’étudier BIOSOPE n’est pas documentée en ce qui concerne les concentrations de fer dissous dans la colonne d’eau ( De Baar and De Jong 2001 ). Seules les concentrations obtenues sur des échantillons collectés lors de la campagne EqPac (150w ; 10s) peuvent renseigner sur les niveaux auxquels on peut s’attendre pour la zone ; les concentrations jusqu’à 300 m sont totalement appauvries, de l’ordre de 0.03 nM ( Coale et al. 1996a ) et figurent parmi les plus faibles mesurées dans l’océan mondial ( Johnson et al. 1997 ). Le premier objectif est donc de quantifier les concentrations en fer dans le Pacifique Sud. Le deuxième objectif consiste à évaluer le rôle limitant du fer atmosphérique dans la zone du tourbillon du Pacifique Sud, lié ou non à la diazotrophie.

 

Ø      La diazotrophie. Parmi les processus mal élucidés à l'heure actuelle, la diazotrophie joue un rôle central dans les systèmes oligotrophes où elle assure l’apport d’azote « nouveau » dans les eaux de surface. Elle est responsable de la conversion du diazote - très abondant dans la nature mais relativement inerte - en substrats biologiquement utilisables. Il est maintenant reconnu que les études sur le rôle quantitatif de la fixation de N2 dans les budgets nutritifs et le cycle du carbone des grands bassins océaniques sont d’un intérêt scientifique considérable ( Falkowski et al. 1998 ). Jusqu'il y a très recemment, il était considéré que la majorité de la fixation est assurée dans les eaux tropicales par la cyanophycée Trichodesmium. Les études quantitatives récentes consacrées à ces organismes ont apporté la preuve qu’à l’échelle des bassins, la part de la diazotrophie dans les bilans d’azote avait été largement sous-estimée ( Gruber and Sarmiento 1997 ). Ainsi, Karl et al. (1997 ) ont montré qu’à la station ALOHA au nord d’Hawaii, la fixation d’azote pouvait contribuer à satisfaire près de la moitié de l’azote requis pour soutenir l’exportation de matière organique hors de la couche de surface. Autrement dit, le processus de fixation d’azote représenterait une source importante d’azote « nouveau » (au sens de Dugdale and Goering 1967 ) à la station ALOHA mais probablement aussi dans l’ensemble du Pacifique tropical oligotrophe, en particulier au cours des évènements El Niño ( Karl et al. 1997 ). Bien que les facteurs contrôlant la diazotrophie soient encore assez mal connus, il apparaît que ce processus est en grande partie limité par la disponibilité en fer ( Falkowski 1997 ) et/ou en phosphore ( Sañudo-Wilhelmy et al. 2001 ). Les études biogéochimiques et les modèles tendent à suggérer que la fixation globale d’azote serait supérieure à celle estimée uniquement à partir des distributions de Trichodesmium. Tout récemment, Zehr et al. (2001 ) ont montré que des cyanobactéries unicellulaires nanoplanctoniques (taille comprise entre 3 et 10 µm) sont capables de fixer de l’azote atmosphérique et, qu’à l’échelle océanique, cette fixation serait équivalente à celle réalisée par les Trichodesmium. La découverte de ces organismes diazotrophes dans le milieu océanique implique que le modèle conceptuel concernant l’amplitude et le contrôle de la fixation d’azote en milieu océanique est certainement très imparfait et qu'il mérite d'être réévalué. Les mesures de fixation d’azote doivent donc être également effectuées sur la fraction nanoplanctonique (taille > 3µm) qui, malgré sa très faible concentration dans les eaux oligotrophes (5 à 30% de la chlorophylle totale) pourrait donc être le siège principal de la diazotrophie..

 

Ø      Co-limitation, diversité fonctionnelle et taxonomique. Il est essentiel de comprendre comment les organismes qui mettent en jeu de manière différente le cycle des éléments dans l’océan, répondent aux variations des conditions physiques et chimiques de l’océan, elles-mêmes découlant des conditions climatiques. Vu l’utilisation intensive des rapports dits de « Redfield » dans les modèles biogéochimiques, il est important de les paramétriser ainsi que de connaître leurs variations en fonction des conditions environnementales. Les études à mener devront donc répondre à la question centrale: comment les divers sels nutritifs (nitrate, phosphate, acide silicique, fer,...) interagissent-ils pour, d'une part, limiter la production primaire, et, d'autre part, favoriser ou au contraire inhiber certains groupes fonctionnels du phytoplancton? Cette approche générale sera réalisée au travers des objectifs spécifiques suivants:

 

I.2.1.2 Le reseau microbien (diversité et aspects fonctionnels)

Il est maintenant clairement établi que le picoplancton (c'est-à-dire les cellules d'une taille inférieure à 2-3 mm) domine la biomasse en milieu oligotrophe. Les études en cytométrie en flux des années 1990 ont démontré que ce picoplancton photosynthétique était composé de deux types de cyanobactéries (Prochlorococcus et Synechococcus) et de très petits eucaryotes ( Campbell et al. 1994 ). Si les deux types de cyanobactéries sont relativement bien caractérisées génétiquement et si nous pouvons commencer à utiliser des approches moléculaires pour déterminer leur caractéristiques physiologiques in situ et en particulier les mécanismes d'adaptation aux conditions extrêmes caractéristiques de la couche euphotique des zones océaniques centrales (fortes lumières, très faibles concentrations d'éléments nutritifs), nous commençons à peine à mettre en lumière les principaux groupes du picoplancton eucaryote. Pour ce dernier, la composante hétérotrophe, complètement négligée jusqu'à présent semble receler une diversité tout à fait insoupçonnée ( Lopez-Garcia et al. 2001; Moon Van Der Staay et al. 2001 ). Enfin, deux groupes de procaryotes photosynthétiques océaniques viennent d'être découverts: des cyanobactéries unicellulaires de type Synechocystis fixant l'azote ( Neveux et al. 1999, Zehr et al. 2001 ) et des bactéries photohétérotrophes ( Kolber et al. 2001a , Kolber et al. 2001b , Goericke 2002 ). Ces groupes très peu étudiés jusqu'à présent jouent probablement un rôle important en milieu très oligotrophe.

 

Ø      Abondance du plancton de petite taille. Les progrès de la cytométrie, et notamment l'utilisation de marqueurs de l'ADN, permettent de visualiser et dénombrer tous les microorganismes de taille comprise entre 40 nm (virus) et environ 5 µm (petit nanoplancton ; Marie et al. 1999 ). Les analyses cytométriques révèlent deux groupes principaux de virus (correspondant peut être aux bactériophages et aux virus d'eucaryotes) et deux ou trois groupes de bactéries selon que l'on se situe en zone plus ou moins pélagique ( Gasol et al. 1999 ). Les Prochlorococcus se distinguent facilement des Synechococcus car ces derniers sont plus gros et possèdent une forte fluorescence orange due à leur contenu en phycoérythrine. Les cellules de type Synechocystis sont plus rarement observés (durant OLIPAC, ils étaient présent au delà de 15°S; Neveux et al. 1999 , mais sont également faciles à distinguer par leur grande taille et leur forte fluorescence orange. Leur contribution éventuelle à la fixation d'azote atmosphérique dans la zone étudiée dans le cadre de BIOSOPE (voir section I.2.2. page, 16 ) pourrait être importante. Dans les eaux oligotrophes, les cellules de Prochlorococcus sont difficilement distinguables des bactéries en surface, et pour la campagne BIOSOPE, des méthodes seront testées pour essayer de contrecarrer ce problème de détection (utilisation de cytomètres plus performants, développement d'anticorps spécifiques de la paroi, PCR quantitative, etc.). Une base de données mondiale des concentrations cellulaires de picoplancton a été mise en place ( Partensky et al. 1999 ) et la campagne BIOSOPE permettra de combler le manque de données pour la partie sud est Pacifique. Cette base devrait permettre à terme d'estimer avec une relative précision la contribution des différents groupes du picoplancton à la biomasse carbonée globale (voir également section II.3, page 28 ).

 

Ø      Diversité génétique des cyanobactéries Même s'il n'existe que deux genres de cyanobactéries dans le picoplancton océanique, chacun d'eux présente une variabilité génétique importante. On distingue au moins neuf groupes phylogénétiques chez Synechococcus, dont un regroupe toutes les souches capables de motilité (Scanlan, unpublished). Cependant, il n'est toujours pas clairement établi si ces groupes occupent des régions géographiques ou des niches différentes. Pour Prochlorococcus, par contre, il a été démontré qu'il existait un étagement vertical des populations, avec des espèces adaptées à forte lumière en surface et des espèces adaptées aux faibles irradiances en bas de la couche euphotique et jusqu'à plus de 200 m. Si les souches de surface sont génétiquement proches, quelle que soit leur origine géographique et se répartissent dans seulement deux groupes principaux (HLI et HLII) dont la distribution géographique semble mutuellement exclusive ( West et al. 2001 ), la diversité au sein des souches de profondeur est beaucoup plus grande. Une différenciation importante est la présence en multiple copies dans les souches de profondeur du gène codant pour le principal complexe collecteur de la lumière (pcb), alors que les souches de surface n'en ont qu'un ( Garczarek et al. 2000; Garczarek et al. 2001 ). La variabilité importante du nombre mais aussi de la séquence de ce gène en font un bon marqueur de la diversité des populations naturelles. Durant Prosope, des analyses RFLP (Random Fragment Length Polymorphism) utilisant ce gène ont permis d'établir qu'il existait au moins trois types de populations de Prochlorococcus occupant des niches lumineuses différentes mais aussi une certaine homogénéisation horizontale de ces génotypes au niveau de l'ensemble de la Méditerranée (Garczarek, Dufresne et Partensky, non publié). Un tel type d'études devrait être réalisé durant BIOSOPE et permettra d'étudier l'influence des gradients lumineux et trophiques sur la diversité de Prochlorococcus et d'établir l'extension sur une large zone géographique des différents génotypes.

 

Ø      Diversité taxonomique des eucaryotes picoplanctoniques. Au cours de dix dernières années, les principaux groupes du picophytoplancton ont été identifiés par une combinaison d'approches incluant la mise en culture et l'analyse pigmentaire. Cependant cette vue restait partielle et c'est seulement récemment que la biologie moléculaire avec l'analyse directe de séquences de l'ARNr 18S (petite sous unité de l'ARN riboso(mal) du milieu océanique a permis d'affiner notre connaissance des organismes présents Lopez-Garcia et al. 2001; Moon Van Der Staay et al. 2001 ). En milieu oligotrophe, Prasinophyceae, Pelagophyceae, Dictyochophyceae, et Prymnesiophyceae semblent dominer ( Moon Van Der Staay et al. 2001 ). En milieu côtier, les Cryptophyceae deviennent importantes alors que les Pelagophyceae disparaissent (Romari et Vaulot, données non publiées). Cette analyse est loin d'être terminée car le nombre de systèmes échantillonnés reste extrêmement faible. De plus il faut commencer à estimer l'abondance des groupes les plus communs. Le cadre de la campagne BIOSOPE semble idéal pour poursuivre et étendre ces études, au vu de l'extrême diversité des milieux qui seront échantillonnés (voir section II.2.1, page 26 ). Dans ce contexte, la classe de Prasinophyceae paraît particulièrement intéressantes car elle est ubiquiste, mais des groupes taxonomiques différents sont présents en fonction des différents milieux (par exemple Mamiellales telle que Micromonas pusilla dans les eaux côtières). Son étude constituera donc une de nos priorités. Nous nous intéresserons aussi aux nouveaux groupes hétérotrophes (alvéolés, stramenopiles) dont l'importance et l'ubiquité ont été révélées par les récentes études moléculaires ( Lopez-Garcia et al. 2001; Moon Van Der Staay et al. 2001 ). La campagne BIOSOPE sera l'occasion de voir si ces taxons hétérotrophes sont répartis de manière uniforme en ne tenant pas compte des conditions d'oligotrophie, ou si au contraire certains groupes sont plus spécifiques des zones très oligotrophes et si ils exhibent une stratification verticale.

Pour répondre à ces diverses questions, nous comptons plus spécialement mettre en œuvre trois méthodes basées sur l'analyse du gène de l'ARNr 18S (voir page 22 pour une description détaillée de ces méthodes):

·               Etude de la diversité par DGGE donnant une image des différents taxons présents (Figure 6, page 23 )

·               Etude de l'abondance relative des groupes ciblés par PCR quantitative

·               Etude de l'abondance absolue des groupes ciblés par FISH (Fluorescent in situ hybridization)

 

Ø      Adaptation physiologique des cyanobactéries aux conditions environnementales. La disponibilité de quatre génomes de cyanobactéries marines (3 Prochlorococcus, 1 Synechococcus) font de ces organismes ubiquistes des cibles très intéressantes pour étudier in situ la régulation de certains gènes clés. Le développement de méthodes telles que la RT-PCR en temps réel (voir section II.1.3, page 23 ) devrait permettre de mesurer la concentration en ARNm dans le milieu naturel.

·               Gènes impliqués dans l'adaptation à l'oligotrophie

Les comparaisons génomiques et protéomiques ainsi que les études d'expression génique et de protéomique au laboratoire devraient permettre d'identifier chez Prochlorococcus et Synechococcus un certain nombre de gènes -connus ou inconnus) impliqués spécifiquement dans la réponse aux carences nutritives, notamment à l'azote et au fer. Ces gènes pourraient avoir un rôle important dans l'adaptation des cellules aux conditions oligotrophes. Leur expression sera donc étudiée pour les populations de cyanobactéries de surface, le long de gradients trophiques. L'expression de gènes tels que idiA, qui ne s'exprime qu'en carence en fer, nous renseignera également sur l'état physiologique des populations naturelles.

·               Gènes impliqués dans la réponse générale au stress

Au cours de trois dernières années, le groupe de Roscoff a commencé à s'intéresser aux gènes qui sont activés lorsque les cellules sont soumises à un stress. Ceux codant pour les heat shock proteins (hsp) sont tout à fait intéressants car très conservés et transcrits de manière assez abondante pour pouvoir être étudiés par RT-PCR. Nous comptons en particulier nous concentrer sur les chaperones de type GroEL/ES et DnaK/DnaJ ( Glatz et al. 1999 ). L'intensité de l'expression de ces gènes devraient nous permettre de mesurer l'état de stress des cellules, en réponse par exemple aux fortes intensités lumineuses de la couche de surface au midi solaire ou en réponse à un appauvrissement en éléments nutritifs au fur et à mesure qu'on s'éloigne de l'upwelling.

·               Gènes impliqués dans la photoprotection

La présence de Prochlorococcus et Synechococcus dans la couche de surface suggère qu'ils ont développé des mécanismes particuliers de défense contre les forts rayonnement visibles et UV. La disponibilité du génome complet d'une souche de surface de Prochlorococcus (MED4) et d'une souche de Synechococcus (WH8102) va permettre (avant la campagne BIOSOPE) d'étudier et d'identifier précisément au laboratoire l'ensemble des gènes et protéines spécifiquement impliqués dans ces processus, en plus des gènes de réponse générale au stress mentionnés plus haut. Une classe de protéines a priori particulièrement intéressante est celle des HLIPs (High Light-Induced Proteins), qui sont induites par les forts éclairements et dont MED4 possède de nombreuses copies. L'expression de ces gènes sera étudiée lors de BIOSOPE pour des populations naturelles de Prochlorococcus à différentes profondeurs et dans différentes conditions hydrologiques.

 

I.2.1.3 L'interprétation de la couleur de l'océan et la validations des modèles bio-optiques

L'estimation de la concentration en chlorophylle a ([Chla]) à partir de la "couleur de l'eau" mesurée par un satellite repose, en grande partie, sur des relations statistiques (e.g. O'reilly et al. 1998 ); ces relations statistiques ou "algorithmes empiriques" sont établies grâce à des bases de données de mesures simultanée de [Chla] et de couleur de l'eau [indexée par les rapports de réflectance ( Figure 3)]. Ces relations correspondent donc à des "lois moyennes" : il en résulte deux limitations principales. Premièrement, ces relations sont fortement contraintes par l'origine géographique (et temporelle) des données. C'est pourquoi, et de façon analogue à beaucoup de bases de données, les eaux très oligotrophes et très eutrophes et, plus généralement, les eaux de l'hémisphère sud, sont sous-représentées dans ces bases de données ; en conséquence elles le sont également dans les relations moyennes qui en découlent. Deuxièmement, autour de ces relations moyennes, il existe une varaibilité qui n'est pas dûe au bruit expérimental. Cette variabilité est essentiellement naturelle ou biogéochimique ( Loisel and Morel 1998 ). Les études visant à comprendre et quantifier cette variabilité doivent être entreprises pour deux raisons essentielles: d'une part, pour affiner les modèles empiriques "globaux" en élaborant, éventuellement, des algorithmes régionaux ( Bricaud et al. 2001 ); d'autre part, pour permettre le développement de modèles semi-analytiques ou analytiques s'appuyant sur une compréhension plus déterministe des processus mis en jeu.

Dans ce contexte, la campagne BIOSOPE s'orientera vers des études visant à comprendre et quantifier les particularités biogéochimiques à l'origine de la variabilité observée dans la relation "couleur de l'eau" - [Chla]. Plus particulièrement les caractéristiques et les sources de variabilité des stocks biogènes (et minéraux) ainsi que les processus suivants seront étudiés:

 

Ø      La matière organique dissoute colorée ou CDOM (Color Dissolved Organic Matter. Le CDOM, qui représente 10% du DOC (soit approximativement le réservoir de POC) est un intermédiaire fondamental des réactions photochimiques qui influencent les bilans de carbone dans l'océan superficiel et l'échange air-mer de certains gaz, dont le CO2. Les sources de CDOM sont essentiellement biogènes et résultent des activités autotrophes ( Bricaud et al. 1981 ) et/ou hétérotrophes ( Nelson et al. 1998 ). Il a été récemment avancé ( Oubelkheir 2001 ) que l'équilibre entre ces deux sources de production pourrait être lié au régime de production (origine autotrophe en système productif (upwelling) origine hétérotrophe en régime peu productif). Les puits de CDOM sont essentiellement liés aux processus de photo-oxydation qui dépendent de l'éclairement de surface et du degré de stratification ou de mélange des eaux superficielles ( Vodacek et al. 1997 ). A partir des caractéristiques spectrales du CDOM (absorption augmentant vers les courtes longueurs d'onde, diffusion négligeable), il résulte qu'un excès de CDOM par rapport à la "loi moyenne" (telle que décrite par la Figure 3) conduit à une surestimation de [Chla] et réciproquement. La présence de CDOM modifie la qualité spectrale de l'éclairement disponible en profondeur, en particulier la pénétration des radiations UV. Il s'agira de quantifier les stocks de CDOM (ce qui est loin d'être aisé, surtout en régime oligotrophe, voir également section II.1.4, page 24 ) et d'apprécier les sources de variabilité, biologiques ou physiques.

Ø      Les biodétritus. Ce réservoir est extrêmement mal connu, car il très difficile à étudier. Des études récentes ( Chung et al. 1998 ; Claustre et al. 1999 ) montrent néanmoins que les bio-détritus peuvent contribuer de 50% à 80% du signal de diffusion par les particules, cette contribution augmentant avec le degré d'oligotrophie. Ces estimations "optiques" sont équivalentes à des contributions en carbone de l'ordre de 40 à 60% du POC ( Oubelkheir 2001 ). Tout comme pour le CDOM, les caractéristiques optiques des bio-détritus (incluant les organismes micro-hétérotrophes) sont telles (absorption augmentant vers les courtes longueurs d'onde, diffusion spectralement neutre) qu'une augmentation de la proportion de biodetritus par rapport à la "loi moyenne" se traduit ici encore par une surestimation de [Chla], et réciproquement. Étant donné l'importance (supposée) des bio-détritus, il est urgent d'entreprendre des études biogéochimiques et optiques destinées à mieux caractériser ce stock.

Ø      Les poussières minérales. Un des résultats (inattendus) de la campagne PROSOPE a été que les eaux Méditerranéennes paraissent plus "vertes" que ce que leur [Chla] permet d'expliquer. La conséquence directe est que les algorithmes standards, reposant sur des lois moyennes, surestiment la [Chla] en Méditerranée. Différentes hypothèses ont été examinées pour expliquer cette "anomalie", notamment la présence anormalement élevée de bio-détritus ou de CDOM; l'hypothèse la plus probable reste néanmoins la présence de fines poussières Sahariennes en suspension dans les eaux de surface ( Claustre et al. 2001 ). Pour les eaux dites du cas I (c'est-à-dire celles dont les variations des propriétés optiques sont essentiellement dues au phytoplancton et aux substances associées), il existe donc une variabilité de la relation entre "couleur de l'eau" et [Chla] qui pourrait être dépendante de la proximité des sources de particules minérales. Les eaux du Sud Pacifique, très éloignées de telles sources, constituent vraisemblablement une situation extrême qu'il convient de décrire et quantifier.

Une étude récente sur les propriétés d’absorption de 24 types différents de particules minérales suggèrent fortement que l’hydroxide de fer (état ferrique) est le principal « chomophore » de ces particules dans la nature (Babin et Stramski en préparation, voir aussi Babin and Stramski 2002 , Babin et al. 2002 ). Or, la signature spectrale de l’absorption par l’hydroxide de fer montre des similitudes avec celle des détritus (augmentation quasi-exponentielle vers l’UV). Étant donné (1) cette similitude des propriétés d’absorption, (2) l’affinité chimique (propriétés d’adsorption en particulier) de l’hydroxide de fer pour la matière organique, et (3) la coïncidence entre la faible contribution à l’absorption par les détritus dans le Pacifique Bricaud et al. 1998 , et la rareté du fer dans cette zone, il est permis de penser que l’hydroxide de fer est aussi un chromophore des détritus. Dans les zones pauvres en fer, ces détritus pourraient être présents en quantités relatives équivalentes aux autres zones oligotrophes, mais être invisibles parce que « décolorés ». Cette hypothèse sera vérifiée durant la campagne BIOSOPE.

Ø      Le cycle diurne de certaines propriétés optiques est un phénomène désormais clairement établi ( Siegel et al. 1989 ; Claustre et al. 1999 ) et que l'on peut "reproduire" aisément au laboratoire ( Durand and Olson 1998 ). Ce processus est vraisemblablement à l'origine d'une partie du "bruit" dans les bases de données optiques ( Stramski and Reynolds 1993 ), sur lesquels s'appuient bon nombre de développements algorithmiques. Si le phénomène est identifié et décrit, les sources qui sont à l'origine de ces variations à l'échelle de la journée sont moins claires : elles peuvent résulter de changement (1) dans l'équilibre entre particule algales (production de jour) et non-algales (production préférentielle la nuit), (2) de la taille des particules (3) de la modification de l'indice de réfraction des particules consécutivement aux variations de la concentration interne en composés organique (carbone). Des variations diurnes du CDOM, conséquence d'une alternance entre les processus de production et de photo oxydation, ne sont pas à exclure même si ces variations n'ont jamais été illustrées (pas de méthodologie adaptée pour l'instant, mais voir section II.1.4, page 24 ).

Ø      Paramètres photosynthétiques et fluorescence. L’étude des propriétés photosynthétiques du phytoplancton dans un système aussi fortement oligotrophe est incontournable, ne serait-ce qu’à titre exploratoire. Dans un tel système, on peut s’attendre à ce que les forçages extrêmes (limitations par le fer et l’azote, éclairement extrêmes dans la couche de surface y compris une forte dose d’UV) conduisent à des acclimatations extrêmes de différentes natures (pigmentation, processus de « quenching » non-photochimique, mais aussi à des effets adverses aigus (photoinhibition, effet des carences nutritives sur le fonctionnement de l’appareil photosynthétique). Différents protocoles de mesure de la fluorescence variable seront appliqués pour déterminer les processus à l’origine des variations des propriété photosynthétiques (fixation de carbone).

 

Récemment des améliorations algorithmiques ont permis d'extraire, à partir des luminances marines télédétectées, des grandeurs géophysiques autres que la [Chla], comme le coefficient de retrodiffusion bb(555), qui est un estimateur de la concentration en POC ( Stramski et al. 1999 ; Loisel et al. 2001 ). Ces extractions ont été réalisées pour des provinces biogéochimiques particulières (océan austral et Méditerranée); il convient d'évaluer l'applicabilité, à d'autres océans, de ces relations importantes, car elles permettent des évaluations synoptiques de grandeurs biogéochimiques essentielles. La campagne BIOSOPE sera également l'occasion d'aborder cette thématique.

 

Dans toutes les études proposées ci-dessus, on comprend aisément que l'optique et la biogéochimie marines sont intimement liées. En réalité, ces études d'optique marine sont indissociables de celles liées à la compréhension et à la caractérisation des stocks (e.g matière dissoute, bio-détritus,…) ou des processus (e.g. cycle diurne, régime de production). L'une des ambitions de la campagne BIOSOPE est de favoriser les synergies entre communautés d'opticiens et de biogéochimistes afin de réaliser des études complètes en bio-optique marine. Ce type d'approche est déjà une "spécialité française" qu'il convient de renforcer. D'un côté, ces études permettent de comprendre et d'établir les relations nécessaires aux études fondamentales en optique marine, au transfert radiatif et aux développements algorithmiques. D'un autre côté, la bio-optique marine apporte(ra) un éclairage nouveau sur la biogéochimie marine : les méthodes sont non-intrusives (pas d'incubation par exemple), répétitives (haute fréquence d'acquisition) et parfois uniques (pour étudier certains stocks biogènes, par exemple la faction colorée du CDOM).

 

Le tourbillon oligotrophe du Pacifique sud-est, au centre des préoccupations de BIOSOPE (voir section 1.2.2.1 page 17 ), a été utilisé par le CNES pour ses opérations de calibration des observations de la couleur de l’océan du capteur POLDER-I. Cette région sera à nouveau utilisée pour les capteurs MERIS et POLDER-II. Elle a été sélectionnée pour la clarté de son atmosphère (épaisseur optique des aérosols < 0.1 dans le visible ; absence d’aérosols d’origine continentale) et les faibles concentration en chlorophylle des eaux de surface. En effet, ces conditions permettent en principe d’appliquer la méthode dite de « calibration Rayleigh » (Vermotte et al., 1992), qui consiste à générer par transfert radiatif le signal que le capteur devrait mesurer en haut de l’atmosphère, moyennant certaines hypothèses sur la valeur de la luminance marine et la teneur et le type des aérosols (hypothèse acceptables dans la mesure où la diffusion moléculaire prédomine). La comparaison avec le signal effectivement mesuré par le capteur en orbite permet d’établir une calibration, dite « indirecte ». Une meilleure caractérisation des propriétés des aérosols et une meilleure détermination du signal marin, possibles grâce aux mesures prévues pendant la campagne BIOSOPE, permettrait d’améliorer très significativement la qualité des calibrations réalisées selon cette technique. Il serait en outre possible d’évaluer les performances de cette technique en la confrontant à d’autres, comme celles mises en œuvre pour le capteur Américain SeaWiFS (Barnes et al., 2000) ou prévues pour MERIS.

 

I.2.2 Justification du choix des sites d'étude

 

La caractérisation biologique, biogéochimique et optique du tourbillon du Pacifique Sud est au centre des préoccupations du projet BIOSOPE. Toutefois, étant donné les spécificités des thèmes de recherche que le groupe souhaite développer, la zone d'étude ne peut être restreinte au seul tourbillon. Cette zone doit, de manière générale, répondre à deux critères a priori :

 

Ø      Des situations trophiques variées doivent être étudiées. Ce point est un prérequis essentiel pour interpréter (et éventuellement modéliser) la variabilité de la relation entre couleur de l'eau et [Chla]; dans ce cadre, il est nécessaire de documenter la variabilité des concentrations en substances optiquement significatives autres que la [Chla] (e.g. CDOM, bio-détritus) selon un continuum trophique. De plus, l'étude de systèmes à très fortes et très faibles [Chla] est nécessaire car c'est ceux pour lesquels les bases de données optiques (sur lesquelles reposent les modélisations) sont actuellement les moins documentées. Du point de vue de la diversité biologique, les gradients trophiques sont également très intéressants car ils entraînent des changements dans la structure des populations et une sélection des espèces les mieux adaptées à la survie aux conditions hydrodynamiques et chimiques locales.

 

Ø      Des systèmes limitées par des ressources différentes (Fe/N, P). C'est par la comparaison de systèmes limités par l'azote (et le fer) à des systèmes (éventuellement) limités par le phosphore ou encore à des systèmes non limités par les ressources nutritives que l'on doit pouvoir comprendre et quantifier les mécanismes chimiques et/ou biologiques à l'origine de leurs différences de fonctionnement. La comparaison de situations océaniques aux ressources nutritives différentes est également un préalable aux développement de modèles qui intègrent désormais les notions de limitations multiples ou de co-limitations.

 

Sur la base de ces critères, la campagne BIOSOPE s'articulera autour de l'étude d'un certain nombre de sites choisi a priori pour répondre à ces critères : les systèmes (ultra)oligotrophe associés au tourbillon du Pacifique Sud, le système d'upwelling le long des côtes chiliennes et la zone productive associé à l'effet d'île au niveau des îles Marquises.

Dans les parties suivantes, il est donné un rapide aperçu des connaissances ainsi que du questionnement scientifique associé. Dans la section II.2 (page 26 ) l'organisation pratiques (trajet et mesures) de la campagne est esquissée.

 

 

 

 

I.2.2.1 Oligotrophie "extrème" : le tourbillon du Pacifique Sud

 

Les arguments pour mener une étude sur le Tourbillon du Pacifique Sud, complémentaires de ceux, plus généraux, présentés dans la partie introductive (section I.1, page 4 ) sont les suivants :

 

Ø      C'est la zone la plus oligotrophe au monde ( Figure 1 A). Il n'y a pas lieu de spéculer sur ce que pourraient être les manifestations d'une oligotrophie encore plus marquée que celle rencontrée lors d'OLIPAC (voir plus haut), mais il est vraisemblable que toutes les caractéristiques d'oligotrophie observées à 16°S, 150W se manifestent de manière encore plus aiguë. En outre, le système est vierge de toute observation (voir plus bas) biologique, biogéochimique ou optique. Rien n'interdit de penser que des particularités [e.g. adaptation du phytoplancton à des conditions extrême de limitation en azote (en fer)] puissent être découvertes.

 

Ø      Parmi les zones tropicales, celle du Pacifique Sud reçoit le moins de dépôts d'aérosols, qu'ils soient d'origine naturelle (désertique) ou anthropique ( Figure 1 B). Deux conséquences fondamentales peuvent être identifiées :

 

q       C'est une zone de référence où l'atmosphère peut être considérée comme relativement pure et la biogéochimie comme uniquement dépendante des processus de recyclage locaux. A l'heure où la désertification et ses conséquences biogéochimiques sur les tourbillons de l'hémisphère Nord commencent être à identifiées ( Wu et al. 2000 ), le Pacifique Sud est vraisemblablement une zone de référence unique pour documenter des processus biogéochimiques en l'absence de perturbations.

 

q       Etant donné l'éloignement de la zone des terres émergées et les dépôts de fer étant supposés minimaux, les concentrations en fer sont vraisemblablement extrêmement faibles, tout comme celles en en azote.

 

Ø      C'est une zone peu ou pas connue. La partie orientale du tourbillon du Pacifique Sud et, de manière plus générale, le Pacifique Sud-Est, reste une des entités majeures de l'océan mondial les moins explorées ( Shaffer et al. 1995 ) : la circulation ( Shaffer et al. 1999 ), tout comme la biogéochimie de la zone ( Daneri and Quinones 2001 ) sont largement méconnues. En effet, très peu de campagnes d'observations ont été menées et les données hydrologiques sont donc relativement éparses. Seules, deux couvertures synoptiques (hydrologie et chimie) ont traversé le Tourbillon du Pacifique Sud entre les côte chiliennes et australiennes: le programme SCOPIO le long des parallèles 28°S et 43°S en 1967 (e.g. Stommel, 1973; Wunsh et al., 1983); plus récemment (1992), les radiale P6 (32°S) et P21 (17°S) du programme WOCE ( Tsimplis et al. 1998 ; http://www.soc.soton.ac.uk/ OTHERS/woceipo/science/data/ dguide97/index.html).

 

Ø      Le tourbillon oligotrophe du Pacifique sud-est représente une zone test particulièrement intéressante pour la calibration des observations de la couleur de l’océan (faible concentration en chlorophylle, atmosphère très pure), et BIOSOPE représente en outre une opportunité pour l’inter-calibration des différentes missions spatiales (collaborations établies avec les différentes missions couleur de l’océan). Ce point est particulièrement important pour, à terme, être en mesure de générer les archives pluri-annuelles et multi-capteurs nécessaires à l’identification des éventuels changements globaux de la biomasse phytoplanctonique en réponse aux modifications de l’environnement global.

 

 

Résumé : Objectifs spécifiques à l'étude du tourbillon du Pacifique Sud

 

·        Quelles sont les caractéristiques optiques des eaux a priori les plus claires de la planète?

·        Est-ce que les capteurs satellitaux donnent un bonne estimation de [Chla] dans cette zone? Si non, pourquoi?

·        Les faibles concentrations en [Chla] et surtout en matières dissoutes ou en bio-détritus conduisent-elles à une pénétration préférentielles des radiations ultraviolettes.

·        Quels sont les effets de ces radiations utltraviolettes sur les espèces bacteriennes et sur la transformation de la matière dissoute.

·        Peut-on détecter des adaptations taxonomiques et fonctionnelles particulières à ces conditions "extrêmes"?

·        Quelles sont les particules qui contribuent au cycle diurne des propriétés optiques dans la couche subsuperficielle.

·        Quels niveaux de concentrations en fer dans l’air et la colonne d’eau ?

·        Quelle est la relation (éventuelle) entre cyclicité de la fluorescence (variable) et la limitation en fer?

·        La fixation d'azote atmosphérique est-elle nulle et, si non, est-elle assurée par des cyanobactéries unicellulaires tels que Synechocystis plutôt que des cyanobactéries coloniales type Trichodesmium?

 

I.2.2.2 Mésotrophie : Fertilisation naturelle en zone HLNC sub-équatoriale

 

A la fin du printemps et au début de l'été austral, le secteur au voisinage de l'archipel des Marquises (localisé vers 10°S, 140°W et 350 km) présente des [Chla] voisines de 0.3 mg Chla m-3, c'est-à-dire bien supérieures aux concentrations ambiantes généralement observées (~ 0.1 mg Chla m-3) dans cette zone subéquatoriale ( Signorini et al. 1999 ) (Figure 4). Ces fortes concentrations sont non seulement détectées dans la partie sous le vent de l'archipel mais également au sein d'une bande rectangulaire de dimensions approximatives 200 km x 600 km, et s'orientant selon une direction ouest nord-ouest, en prolongement du courant sud équatorial (SEC) qui s'écoule à travers et autour de l'archipel. Au sein du vaste système HLNC que constitue la zone subéquatoriale, l'effet d'île est donc ici une évidence.

Un certain nombre de mécanismes biophysiques et physico-chimiques expliquant l'origine de cette productivité accrue a été avancé. D'une part, l'interaction dynamique entre la circulation et la topographie (les îles s'élèvent de manière très raide depuis la plaine abyssale à 4000 m) permet l'établissement de structures hydrodynamiques à moyenne échelle (front, tourbillons, remontée des isopycnes) favorables à la production biologique et à l'accumulation de biomasse. D'autre part, ces structures permettent également d'entretenir le mélange des eaux environnantes riches en nutriments (NO3 > 4 µM), mais pauvres en fer, avec des sources de fer provenant des îles elle-même. Pour ces sources en fer deux origines principales sont retenues : premièrement, le lessivage des terres et la dispersion des produits lessivés (enrichis notamment en fer) vers l'ouest par le SEC; deuxièmement, les flux hydrothermaux au sein des cônes volcaniques de ces îles: ces flux "siphonnent" des eaux profondes vers la surface au travers de la couche basaltique (concept dit "d'endo-upwelling"), si bien que les eaux résultantes sont saturées en fer ( Andrié et al. 1992 )

Cet oasis de production en zone HLNC éloignée et quasiment "vierge" d'observation biogéochimique in situ a essentiellement été décrit grâce à une couverture synoptique de la zone par imagerie couleur (SeaWiFS). Il convient désormais de mener des recherches plus approfondies permettant d'apporter des éléments quantitatifs sur les processus biologiques et biogéochimiques mis en jeu dans la manifestation de ce bloom.

Ce type d'étude vient à point nommé dans le contexte (et le débat éthique) actuel concernant l'opportunité de fertilisations "industrielles" de certaines zones océaniques dans le but de "séquester" du CO2 anthropique ( Chisholm et al. 2001 , Aslo 2001 ). En effet, les études de fertilisations naturelles associées aux effets d'île permettent d'aborder, sur le long terme, les changements dans la structure des écosystèmes et dans les cycles biogéochimiques, changements que les fertilisations expérimentales (e.g. Ironex, Soiree) n'ont pu étudier, étant données leurs limitations temporelles. Ces îles et les phénomènes hydrodynamiques et biogéochimiques associés peuvent donc être considérées comme des modèles "grandeurs nature" d'une fertilisation "grande échelle" et continue. Les recherches que nous souhaitons entreprendre viseront donc à acquérir un certain nombre de connaissances fondamentales, pour mieux décrire (et modéliser) l'effet de ces fertilisation. Ces études en milieu tropical sont complémentaires de celles menées en milieu austral, (e.g. Blain et al. 2001 ; Bucciarelli et al. 2001 ) et un parallèle pourrait donc être également établi avec l'étude du panache sur le plateau de Kerguelen, proposé dans le projet KEOPS (Stéphane Blain).

 

 

 

Résumé : Objectifs spécifiques à l'étude du panache des îles Marquises

 

·        Quelles sont les concentrations en fer au voisinage de la zone et y a t'il un gradient selon la direction Nord-Ouest?

·        Les nutritifs sont-ils complètement épuisés?

·        Quels sont les populations phytoplanctoniques présentes, quel est leur état physiologique par rapport aux populations des eaux eaux adjacentes?

·        Est-ce que l'effet d'île entraîne une augmentation de la fixation d'azote atmosphérique par rapport aux eaux oligotrophes environnantes et si oui, par quel type d'organisme (Trichodesmium ou Synechocystis)?

·        Comment est structuré le réseau trophique?

·        Existe t'il des caractéristiques bio-optiques particulières (CDOM, biodetritus, espèces phytoplanctoniques) qui pourraient expliquer une variabilité dans la relation couleur de l'eau - [Chla]?

 

 

I.2.2.3 Eutrophie: upwellings le long des côtes chiliennes

 

Dans le Pacifique Sud-Est, le courant antarctique circumpolaire (ACC) se sépare en deux branches dont la branche ascendante, le Peru Curent (PC) ou Peru-Chile Curent (PCC), représente la branche méridienne Est de la circulation anticyclonique. Occasionnellement, ce PCC peut à son tour se séparer en deux branches : une veine très étendue qui passe au large et connue sous le nom de courant de Mentor; une veine étroite, plaquée contre la côte, appelé courant de Humbolt. Les upwellings permanents associés au PCC le long des côtes chiliennes représentent l'une des zones les plus productives de l'océan mondial (Carr, 2002), de laquelle sont tirées d'importantes ressources halieutiques. Malgré cet impact biologique (et économique), et tout comme le Tourbillon du Pacifique Sud, le PCC reste le système de courant frontière de l'est le moins bien connu tant d'un point de vue de sa dynamique que de la biogéochimie qui en résulte (e.g. Leth and Shaffer 2001 , Daneri and Quinones 2001 ). Des études menées à partir de scènes CZCS le long des côtes chiliennes montrent néanmoins que, dans la bande latitudinale 25°S-35°S, l'upwelling est actif durant l'été austral ( Thomas 1999 ), ce qui confirme des études hydrologiques et courantologiques menées à la latitude de Valparaiso (33°S) ( Johnson et al. 1980 ) ou encore des mesures de flux de particules à 30°S ( Hebbeln et al. 2000 ).

 

Les upwellings le long des côtes chiliennes présentent deux particularités (non- indépendantes):

 

Ø      Les fortes biomasses chlorophylliennes observées sont en opposition de phase avec les vents a priori favorables (vers l'équateur) aux conditions d'upwelling; de plus, elles ne sont pas corrélées aux faibles températures ( Thomas 1999 ).

 

Ø      Les fortes biomasses chlorophylliennes ont des extensions vers le large sous la forme de filaments de plusieurs centaines de kilomètres (~200-300 km) ( Thomas et al. 1994 ). L'extension au large de ces caractéristiques côtières de surface est bien plus importante que celle attendue à partir de la stricte dynamique locale des "wind-driven" upwelling.

 

C'est pourquoi, une hypothèse a été émise selon laquelle l'augmentation de biomasse et de production le long des côtes chiliennes résulte plus vraisemblablement de l'interaction entre les phénomènes locaux et la circulation à plus grande échelle ( Thomas et al. 1994 ). Récemment des études numériques ont montré que les phénomènes d'upwelling le long des côtes chiliennes sont la résultante d'une activité à moyenne échelle (méandres et tourbillons) ( Leth and Shaffer 2001 ) et que cette activité permet, selon toute vraisemblance, l'entretien et le maintien des fortes biomasses plus au large sous la forme de filaments.

 

Si les études centrées sur les cycles biogéochimiques dans les upwellings ont été relativement nombreuses dans les années 1970 et 1980 et notamment sous l'impulsion de la communauté Française, la communauté JGOFS-international n'a pas poursuivi ces efforts par la suite. A notre connaissance, seule la communauté JGOFS-France (campagne Eumeli 4) a consacré une partie de ses activités à l'étude de l'upwelling Mauritanien. Les bases conceptuelles du fonctionnement des upwellings reposent sur des acquis relativement anciens. De la même manière, les bases de données JGOFS sont actuellement plutôt incomplètes de part l'absence de données sur les zones très productives. Ce "manque" peut constituer une forme de limitation pour la validation des modèles (optiques, bio-optiques ou biogéochimiques). Il apparaît donc opportun d'initier de nouvelles études sur les upwelling en partie basées sur la mise en œuvre de développements méthodologiques récents. C'est une des raisons qui avaient motivé le groupe PROSOPE à mener une étude biogéochimique sur l'upwelling du Maroc. C'était une première étape, et il apparaissait nécessaire que ces efforts soient poursuivis.

 

L'étude des propriétés biologiques, biogéochimiques et optiques d'un filament résultant de l'activité d'upwelling sur le PCC, permettrait d'apporter des éléments à la connaissance particulière d'un système de production peu connu et à la connaissance plus général des upwellings dans leur ensemble.

 

 

 

Résumé: Objectifs spécifiques à l'étude de l'upwelling

 

·        Y a t'il une évolution de la structure des communautés et de l'écosystème le long d'un filament?

·        Qu'elle est l'évolution biogéochimique le long d'un filament?

·        Y -a t'il un vieillissement de la matière produite, le long du filament, qui puisse être signée par des propriétés optiques particulière (production de CDOM et de biodetritus?)

·        Quelle est la représentativité d'une mesure au sein d'un pixel lorsque les phénomènes physiques à petites et moyenne échelle sont cruciaux dans un système d'upwelling? (problème de "matchup" de SeaWiFS dans un système "dynamique")

 



[1] La surface de cette zone (grossièrement délimitée par un rectangle ayant pour limites 100-130°W et 32-20°S) n'est pas négligeable. Elle représente de l'ordre de 4 106 km2 soit approximativement 1.1% de l'océan mondial ou encore 1,6 fois la surface de la Méditerranée.

 

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