Biomasse et communauté phytoplanctonique
Plusieurs méthodes complémentaires seront utilisées pour quantifier
la biomasse phytoplanctonique et déterminer sa composition. En effet,
il est indispensable de bien apprécier la composition du phytoplancton
dont les variations se répercutent sur l’ensemble du réseau trophique
et sur le broutage du zooplancton en particulier.
Une approche sera
basée sur la réalisation de profils des pigments (chlorophylles et
caroténoïdes) analysés par HPLC qui permettront de caractériser les
différents groupes d’autotrophes (Vidussi et al., 1996) et de fournir
des informations sur le devenir du phytoplancton (sénéscence, broutage).
La cytométrie en flux permettra une description détaillée de l'ultraphytoplancton
(< 10 :m), abondant à cette période de l’année
et la détermination de l'état physiologique des cellules en contrôlant
l'intégrité des membranes (Veldhuis et al., 2001). En complément de
leur dénombrement par cytométrie en flux, la diversité des populations
de cyanobactéries sera explorée par l’analyse de leurs phycoérythrines
(Lantoine & Neveux, 1997). Les apports impulsionnels de sels nutritifs
dans la couche de mélange liés aux coups de vent donnant souvent lieu à des
blooms épisodiques de diatomées, la diversité spécifique du microphytoplancton
(diatomées, dinoflagellés) sera également suivie à courte échelle de
temps (microscopie optique inversée et microscopie électronique).
Production primaire et processus de régénération
Cette approche visera à (1) quantifier les éléments nutritifs
disponibles pour la production primaire, (2) estimer l’assimilation
biologique de CO2 et (3) estimer la part exportable et le devenir à court
terme de la matière organique nouvellement formée, à partir de l’étude
du cycle de l’azote (assimilation et régénération). La quantification
des réservoirs minéraux et organiques des éléments majeurs du cycle
biogéochimique marin sur l’ensemble de la colonne d’eau concernera
: les sels nutritifs (nitrate, nitrite, phosphate, ammonium, silicate),
les matières organiques dissoutes et particulaires en termes de carbone,
azote et phosphore (Raimbault et al., 1999a; 1999b). Les flux biologiques
associés à la production (sous forme particulaire et dissoute) et à la
régénération de la matière organique (en terme de carbone et d’azote)
seront estimés dans la couche euphotique. La quantification de la production
nouvelle, de la production régénérée et des principaux flux de régénération
de l’azote (régénération d’ammonium, nitrification; Raimbault et al.,
1999c) sera faite par la méthode à l’azote-15, la quantification de
la prise biologique du carbone pat la méthode au carbone-13. Ces mesures
de production seront complétées par des estimations des flux d’excrétion
d’azote organique dissous (NOD; Slawyk & Raimbault, 1995; Raimbault
et al., 2000; Slawyk et al., 2000) et de carbone organique dissous
(COD).
Minéralisation et composition de la matière organique - Communautés
bactériennes
La minéralisation et la composition de la matière organique dans
la colonne d'eau et leur variabilité selon la diversité structurelle
et fonctionnelle de la communauté hétérotrophe seront abordées selon
les mêmes approches que pour les campagnes PROPECHE, l'échantillonnage
se faisant à plus petite échelle de temps et étant étroitement couplé aux
autres études pluridisciplinaires dans le cas de DYNAPROC 2. Par exemple,
en ce qui concerne les bactéries hétérotrophes, leur distribution verticale
et leur viabilité seront estimées par cytométrie en flux (Gregori et
al., 2001). L’activité des bactéries influencées par la pression hydrostatique
dans la colonne d’eau profonde (Tamburini et al., 2002) sera intégrée à cette étude
si ce thème de recherche est soutenu par le recrutement au CNRS d’un
chercheur.
Flux biologiques de CO2 et assemblages microbiens dans la colonne d'eau
Outre les mesures de production communautaire nette (PCN) réalisées in
vitro, comme pour les campagnes PROPECHE, il est aussi envisagé de
déterminer les variations de la PCN in
situ à l’aide d’un système de mouillage muni d’une chambre d’incubation,
d’une électrode oxygène et d’un capteur PAR (Langdon, 1984). Cette
approche permet de s’affranchir de l’étape des incubations en flaconnage
et rend possible des séries temporelles plus longues. L’équipement
nécessaire n’est pas disponible actuellement et fera l’objet d’une
demande de moyen à la CSOA. La mise en place de 3 mouillages sur
la colonne d’eau pourrait être envisagée.
L’utilisation couplée de ces méthodologies permet d’appréhender
différentes échelles de temps quant à l’évolution des signaux, échelle
du jour pour ce qui concerne les incubations et l’échelle de l’heure
pour ce qui concerne les mouillages in
situ.
On mettra à profit ces études pluridisciplinaires à petite échelle
de temps pour tester l'hypothèse du train d’ondes entretenues. En effet,
l’interprétation des résultats obtenus lors de la campagne DYNAPROC
en 1995 a conduit à formuler une hypothèse dite du train d’ondes entretenues
(Martin, 1997). D’après cette hypothèse, les migrations verticales
journalières des organismes zooplanctoniques induiraient une sédimentation
récurrente de particules composées de pelotes fécales ou d’agrégats
de matières en suspension, ces particules entraînant dans leur chute
une grande partie des communautés bactériennes se développant en subsurface.
La régénération de la population bactérienne serait assurée par les
excrétions de matière organique dissoute très labile par les organismes
zooplanctoniques migrateurs stationnant en subsurface pendant le jour.
La stratégie expérimentale consistera donc à réaliser des profils
(500-2000 m) d’activité ETS avec une fréquence de 3 h sur une période
de 36 h. L’opération sera réalisée deux fois au cours de la campagne,
une fois au début et une fois à la fin. Cette démarche a pour objectif
de vérifier l’enfoncement récurrent d’un pic d’activité ETS comme le
prévoit l’hypothèse citée. Des mesures de cytométrie en flux seront
faites simultanément pour déterminer l'abondance et la composition
des assemblages et l'état physiologique des cellules.
Microzooplancton
Le microzooplancton constitue un maillon intermédiaire entre le
pico- et nanoplancton autotrophe et hétérotrophe et le mésozooplancton
(copépodes principalement). Plusieurs processus et paramètres seront étudiés
pour estimer la contribution du microzooplancton à la dynamique du
réseau trophique : (1) le taux
de production du microzooplancton à partir d'échantillons fractionnés
en classes de taille et mis en incubation, (2) la prédation du mésozooplancton, à partir
d'échantillons mis en incubation avec une partie des récoltes du zooplancton
et (3) les variations de distribution verticale et d'abondance des
ciliés, avec une étude plus fines de la diversité spécifique des ciliés
tintinnides (Dolan, 2000).
Méso- et macrozooplancton,
micronecton
La biomasse, la composition, la distribution verticale du zooplancton
et du micronecton seront estimées, de jour et de nuit, par diverses
méthodes afin d’avoir une vue de l’ensemble et un spectre de taille
représentatif de la communauté.
- Prélèvements avec la rosette dans les 100 premiers mètres, afin
d’avoir une distribution fine des jeunes stades de crustacés qui sont
le plus soumis aux effets de la turbulence (Lagadeuc et al., 1997;
Andersen et al., 2001b).
- Pêches de mésozooplancton avec un filet WP-2 (maille 200 :m) dans la colonne d’eau 0-200 m (standards
internationaux) et, occasionnellement, 0-500 m, ces organismes (copépodes
essentiellement) occupant principalement les couches supérieures.
- Pêches de zooplancton au filet à nappes (Bioness, maille de
500 :m) qui
fournira la distribution verticale des organismes dans la colonne d’eau découpée
en 9 tranches.
Deux types de pêches seront réalisés : (1) dans les 200-300 premiers
mètres afin de déterminer la structure verticale de la biomasse dans
la couche productive, (2) jusqu’à 1000 m de profondeur,
en relation avec le flux particulaire et les autres processus hétérotrophes (reminéralisation par exemple). Ces
pêches profondes permettront également d’estimer l’importance des organismes
effectuant une migration ontogénique en profondeur en automne (par
exemple certaines espèces de copépodes), processus dont il faudrait
tenir compte dans les modèles de cycles annuels (Ohman et al., 1998).
- Profils vidéo jusqu'à 1000 m (Profileur Vidéo Marin, PVM, Gorsky
et al., 2000). Les enregistrements avec ce système compléteront les
données obtenues avec les pêches au filet à nappes, en particulier
pour la distribution verticale des organismes gélatineux fragiles,
souvent méconnus.
Il est également envisagé d'apprécier la distribution spatiale
du zooplancton et sa variation en exploitant les enregistrements ADCP.
L'autre volet de l'étude des hétérotrophes macrobiens concernera
l'estimation des taux physiologiques. Ces taux seront mesurés pour
divers types d'organismes, selon leur taille, groupe taxonomique et
régime alimentaire. On s'intéressera particulièrement aux mollusques
ptéropodes qui sont des "brouteurs" très efficaces des petites
cellules phytoplanctoniques abondantes à cette période de l'année et
dont la physiologie est encore peu connue. Les mesures concerneront
l'ingestion, l'excrétion ammoniacale, la respiration et la production
des pelotes fécales. Une partie des pelotes fécales sera utilisée pour
les études de minéralisation et de composition, comme pour les campagnes
PROPECHE.
La combinaison de ces mesures de taux physiologiques avec les
données de stock et de diversité spécifique du phytoplancton et du
zooplancton permettra une bonne appréciation des relations prédateurs/proies
et des flux de matière au sein de l'écosystème.
Flux particulaire
L’influence de la structure et de la dynamique de l’écosystème
sur le flux particulaire et sa composition sera estimée à l’aide de
différentes techniques : mesures de traceur (Thorium), profileur vidéo
et deux types de mouillage de pièges à sédiment.
Le temps de résidence du 234Th dans les couches de
surface est étroitement lié à l’activité du zooplancton dans les régions
océaniques peu soumises aux apports continentaux, comme la zone centrale
de la mer Ligure (Schmidt et al., 1992). Pour estimer ce temps de résidence,
on suivra l’évolution du 234Th dans la couche de surface
(0-100 m) à courte échelle de temps (4 jours), au regard de la période
du 234Th. L’évolution du flux particulaire sera également
appréciée (1) au cours de la sédimentation dans la couche d’eau intermédiaire
(100-500 m; profils de 234/228Th) pour quantifier les éventuels
phénomènes de minéralisation (Benitez-Nelson et al., 2001) et (2) dans
les pièges à sédiments dérivants. La combinaison des flux de 234Th
particulaire avec les mesures de COP issues des pièges permettra d’estimer
les flux et le taux d’exportation du COP (Buesseler, 1998); ces estimations
permettront par ailleurs d’estimer l’efficacité de collecte des pièges
dérivants.
Le PVM fournira la distribution des particules en suspension (0.1-50
mm) dans la colonne d’eau 0-1000 m; les données acquises pour chaque
image (1 image/8 cm) sont le nombre de particules, leur longueur, largeur,
périmètre, surface et diamètre sphérique équivalent. L'engin, équipé d'un
turbidimètre, fournit aussi la distribution des petites particules
détritiques (< 50 :m).
Le site principal d’observations sera équipé d’une ligne fixe
de 2 pièges, à 200 et 1000 m de profondeur (ligne dont est équipée
en permanence le site DYFAMED). Pendant une grande partie de la campagne,
le pas d’échantillonnage sera de 24 h, ce qui permettra de suivre la
variation journalière du flux vertical particulaire, en termes de poids
sec, carbone et d’azote. La possibilité de mesurer des flux particulaires à une
troisième profondeur (probablement 500 m) pour augmenter la résolution
verticale et mieux cerner le devenir de la matière exportée sera considérée.
Durant chaque cycle de 48 heures, nous utiliserons une ligne de
2 pièges dérivants avec un pas de temps de 4 h, avec un piège sous
la couche euphotique (200 m) et un autre vers 500 m (la profondeur
exacte reste à déterminer). Le contenu de ses pièges sera utilisé pour
les mesures de flux en carbone et azote, des dosages des pigments phytoplanctoniques,
des marqueurs lipidiques, des protéines, des processus bactériologiques
et du Thorium.
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